[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Continuons donc sur les jalons historiques des thérapies basées sur la mentalisation, en particulier avec l'utilisation du mot mentalisation. Comment se fait-il qu'autour des années 90, il y a une augmentation sensible qui se poursuit dans les années 2000 et jusqu'à aujourd'hui? Regardons ce qu'il se passe plus précisément dans les années 90. En utilisant le même instrument, le google Ngram, ici, j'ai mis trois mots, borderline personality disorder, qui signifie trouble de la personnalité borderline. Qu'est-ce que c'est? C'est un diagnostic psychiatrique qui signifie quatre choses principales. La première c'est des peurs d'abandon extrêmes, la deuxième c'est des comportements auto-dommageables aussi assez forts, par exemple de la suicidalité, accompagnés souvent d'instabilité relationnelle, et finalement, de grands sentiments de vide. Donc, un individu qui souffre ensemble de tous ces éléments-là peut recevoir un diagnostic de trouble de la personnalité borderline. Dans les années 90, on s'intéresse particulièrement à ce trouble. Pourquoi? Parce que les approches classiques, que ce soit en psychanalyse, en thérapie cognitivo-comportementale, ou dans d'autres thérapies, ces approches peinent à venir en aide à ces individus. D'ailleurs, ces individus ont mauvaise réputation à cette époque, comme étant des individus qui sont très difficiles à aider et à traiter, alors que la suite de l'histoire a montré, en fait, que ce type de souffrance psychologique peut être pris en charge si on se concentre d'avantage sur les éléments qui pourraient les aider. Donc, dans les années 90, les trois courants principaux qui vont dégager des pistes de réflexion et aussi de traitement pour le trouble de la personnalité borderline sont les suivants. D'abord, en psychanalyse, nous avons les travaux d'André Green qui, autour des années 1990, publie une série d'ouvrages, dont "La folie privée" qui va suggérer un certain nombre d'adaptations à la cure psychanalytique classique pour venir en aide aux patients avec un trouble de la personnalité borderline. De la même manière, dans le courant cognitivo-comportementaliste, nous avons Marsha Linehan qui, elle, au cours des années 90, va développer la thérapie comportementale dialectique qui va s'adresser spécifiquement à un traitement structuré qui met en lien les éléments des compétences relationnelles et aussi des compétences d'autorégulation pour pouvoir être capable de vivre et d'aller au-delà de cette souffrance caractéristique du trouble de la personnalité borderline. Enfin, deux autres psychanalystes, Peter Fonagy et Anthony Bateman, à la fin des années 90, vont, eux, proposer aussi une adaptation à un traitement psychanalytique, qu'ils vont nommer thérapie basée sur la mentalisation. Le but de ces créateurs de l'approche basée sur la mentalisation était d'abord de ne pas causer du mal au patient, notamment avec une technique psychanalytique trop interprétative, mais plutôt soutenir cette capacité de mentalisation de se représenter les états mentaux et de pouvoir tisser des liens avec l'expérience et les comportements, et aussi de pouvoir se représenter les états mentaux chez autrui, pour justement venir en aide avec tout cet aspect relationnel, interpersonnel, dont souffrent ces individus avec le diagnostic de trouble de la personnalité borderline. De manière générale, on peut dire que pendant les années 90, on a une augmentation d'environ 50% de l'utilisation de cette expression, borderline personality disorder, en même temps qu'on a des cliniciens, des chercheurs qui mettent en place des thérapies spécialisées pour venir en aide à une patientèle qui est en souffrance et qui a de la peine à se faire aider par des traitements classiques. Ce qu'on doit aussi savoir, c'est que pendant les années 90, deux chercheurs, en fait c'est un couple de chercheurs, Chris Frith et Uta Frith à Londres, se sont intéressés d'une perspective scientifique à étudier ce que eux ont appelé le mentalizing, c'est-à -dire la, mentaliser en français. Chris Frith, lui, a étudié la capacité de mentaliser d'individus avec un diagnostic de schizophrénie, sa femme, elle, a étudié cette même capacité-là chez des individus qui souffraient d'autisme. Donc, on est sur deux types de souffrance psychologique différente du trouble de la personnalité borderline, mais qui aussi ont généré beaucoup de recherches, notamment Uta Frith était la directrice de thèse de quelqu'un qui est aussi très connu dans le champ de l'autisme, Simon Baron-Cohen, qui a parlé de cécité de l'esprit, ou de difficulté de mentalisation chez l'individu avec autisme, et qui a travaillé à élaborer sa thèse dans le contexte des années 90 et de cet intérêt accru pour la mentalisation, pour l'utilité, finalement, d'utiliser les états mentaux pour se comprendre, pour comprendre l'esprit d'autrui, pour naviguer dans le monde social, et pour aussi réguler ses propres émotions, ses propres comportements. Donc vous voyez qu'on a une rencontre extraordinaire de différents courants au cours des années 90 qui vont mener à cette véritable explosion exponentielle de l'utilisation du mot mentalisation, et qui vont donner, pour nous, le développement des thérapies basées sur la mentalisation, d'abord pour le trouble de la personnalité borderline, et ensuite pour d'autres types de souffrance. [MUSIQUE] [MUSIQUE]