[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans ce module, on va essayer de répondre à une question que vous avez peut-être à l'esprit : quelle est la différence entre la mentalisation et d'autres concepts connus comme l'empathie, comme la mindfulness, la pleine conscience? Pour essayer de répondre à cette question, on va revenir à notre définition de la mentalisation, qui est : imaginer les états d'esprit, c'est-à -dire cette combinaison d'émotions, d'intentions, de motivations, de croyances. Imaginons que ceci est un état d'esprit que je suis en train de m'imaginer. Le travail de la mentalisation c'est de combiner tous les états d'esprit que j'arrive à imaginer au sujet d'une expérience. Je vais sélectionner d'autres pièces pour essayer de mentaliser, pour essayer d'imaginer une séquence. Prenons ensemble une petite saynète qui se passe assez régulièrement, presque chaque matin, où je vais dans un café auprès de mon ami cafetier Vincent, et ce matin-là , Vincent affichait plutôt un air maussade. Salut Vincent. >> Salut. >> Ça va? >> Ça va moyen, écoute. >> Qu'est-ce qui se passe? >> Le fournisseur a augmenté les prix du café de 10 %, je viens d'apprendre. >> 10 %? >> Oui, 10 %. >> Dans cette séquence, je commence par m'imaginer qu'est-ce qu'il y a derrière l'air maussade chez Vincent. Et puis, quand je commence à lui parler, je découvre aussi qu'il y a peut-être d'autres états mentaux comme par exemple le stress lié à l'augmentation du prix du café. Je mets ces deux pièces-là ensemble, et ça m'aide à faire quoi? Ça m'aide à me mettre dans une posture où je peux, moi, essayer de me mettre à sa place, essayer d'être empathique, essayer de me mettre dans ses chaussures. L'empathie, c'est à la fois être capable d'identifier et de comprendre ce que l'autre vit. Et mentaliser va nous servir à se représenter l'état mental de l'autre, l'expérience de l'autre pour pouvoir être empathique. Vous voyez que si on reprend maintenant notre boussole de la mentalisation, l'empathie va couvrir en fait l'axe autrui de l'affectif, c'est-à -dire comprendre les émotions de l'autre ; au cognitif, comprendre ses pensées, ses croyances, qu'est-ce qu'il est en train d'imaginer. On est vraiment sur le cadran supérieur de notre boussole de la mentalisation. L'autre fonction dont on a parlé c'était l'importance de pouvoir distinguer ce qu'on imagine de ce que l'autre vit, de faire la différence entre soi et autrui. Et ça, on l'a vu dans la dernière leçon, c'est la jonction temporo-pariétale qui s'occupe de ça. Cette fonction nous aide finalement à se faire une théorie au sujet de ce qu'il y a dans l'esprit d'autrui. C'est pour ça que les psychologues ont appelé cette fonction : théorie de l'esprit. C'est nous qui allons vérifier si ce qu'on pense est juste par rapport à ce que l'autre s'imagine. Et on va voir comment j'essaie d'utiliser ma théorie de l'esprit avec Vincent. Du coup, tu crois que le fournisseur veut t'avoir? >> Non, je pense que c'est lié à l'augmentation des matières premières. Tu sais, il faut qu'il gagne sa vie. Il répercute l'augmentation. >> Et pour toi? >> Moi, il va falloir que je fasse pareil. Et puis, mes clients trouvent déjà que c'est cher un café, donc c'est un peu la crise. J'en aurai encore un peu moins. Ils vont râler. >> J'ai commencé cette deuxième partie de l'épisode en pensant que l'air maussade de Vincent était lié à l'augmentation du prix du café. Et je me disais, mais au fond, est-il en train de s'imaginer que son vendeur de café essaie de l'avoir, de lui soutirer de l'argent? En écoutant Vincent, je me suis aperçu qu'en fait, cette représentation-là était fausse. J'ai donc réajusté ma manière de voir les choses pour mieux comprendre son inquiétude, et en vérifiant à savoir si son inquiétude était liée autour de l'augmentation du prix du café par rapport à ses clients et par rapport à son commerce. En faisant toute cette opération dynamique de mentalisation, j'arrive à délier et à lier les états mentaux pour pouvoir m'ajuster et être davantage accordé, davantage en empathie avec Vincent et avec ce qu'il me présente. Si on reprend maintenant notre boussole de la mentalisation, l'empathie c'est le cadran supérieur. Maintenant, quelle est la différence avec la compassion? La grande différence, c'est vraiment la réciprocité. Alors que dans l'empathie, je sens avec l'expérience de Vincent ; dans la compassion, je suis plus à l'extérieur de son expérience et je me concentre essentiellement sur ses affects. Je suis vraiment ici dans une focalisation sur davantage les émotions négatives, dans la compassion. On peut être empathique avec une émotion positive, on est moins en compassion avec une émotion positive. Ce qui fait que le danger avec la compassion c'est de paraître dans une position un peu supérieure, ou alors de faire un peu de pitié envers l'autre. L'idée ici, c'est que la différence entre la compassion et l'empathie, c'est que la compassion va retenir un champ beaucoup plus restreint par rapport à notre boussole de la mentalisation ; tandis que l'empathie va impliquer l'expérience de celui qui est en empathie, qui tente d'essayer de se mettre dans les chaussures de l'autre. Pour conclure et pour résumer ce qu'on a essayé de dire au sujet de la relation entre la mentalisation, l'empathie, la théorie de l'esprit et également la compassion, ce qu'on a vu c'est que ce sont des champs qui se superposent. D'abord, l'empathie implique de la mentalisation. Pourquoi? Parce que je dois identifier, comprendre l'autre pour me mettre dans ses chaussures. Je dois aussi, par contre, faire la théorie de l'esprit. Je dois aller vérifier si ce que j'imagine correspond bien à l'expérience d'autrui. Quand je suis en compassion, je suis davantage focalisé souvent sur les émotions négatives. Et donc, c'est un champ plus restreint de notre boussole de la mentalisation. Et la mentalisation c'est quoi? C'est tout ce qu'on va mettre en place pour justement lier les états mentaux, pour se faire une représentation de plus en plus complexe de la réalité de ce qu'on voit en interaction avec autrui. Dans tout ça, ce qui manque aussi c'est ce que je vis moi. Parce que ce que je vis moi va bien sûr influencer la manière dont je vais éventuellement être sensible aux informations venant d'autrui. Et c'est ce qu'on va voir dans la prochaine vidéo. [MUSIQUE] [MUSIQUE]