[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour. Dans ce module, j'ai le plaisir d'interviewer Professeur Anthony Bateman, cofondateur de l'approche basée sur la mentalisation avec Peter Fonagy. Alors, Anthony Bateman, exceptionnel clinicien, c'est vraiment lui qui a posé les bases cliniques et aussi qui a énormément centré le travail de la thérapie basée sur la mentalisation sur l'émotion, qui est vraiment le thème de ce module. Et donc, on va poser quelques questions à Anthony sur justement la mentalisation et l'émotion, comment est-ce que ces deux concepts-là peuvent s'articuler. Salut, Anthony. Comment vas-tu ? Salut. Très bien. Très bien. Merci. Eh bien, merci d'être avec nous aujourd'hui. Nous allons avoir une conversation sur la mentalisation et les émotions. Et vraiment j’entends souvemt des gens dire que mentaliser ou la mentalisation est en fait un un mot à consonance très cognitive, alors qu'en fait dans ton approche de la mentalisation tout est très orienté vers l'affect, l'émotion, donc peux-tu nous parler un peu de cela ? Oui. Bien sûr, tu as absolument raison. Le mot mentalisation en anglais, du moins, est plutôt sévère, moins, je dirais, en français. Mais cela semble cognitif et pourtant c'est un mot qui essaye vraiment de décrire ce qui est au cœur de l'expérience humaine. Ce noyau de l'expérience humaine est d’intégrer des choses en nous-mêmes qui sont subjectivement expérimentées, donc c'est hautement affectif et impressionniste en quelque sorte, puisqu’une grande partie de l'information est rassemblée par la mentalisation. Donc il y a bien des composantes cognitives, mais il y a aussi ces composants expérientiels humains très subjectifs, dont un, bien sûr, est notre état émotionnel interne et nos expériences dans notre propre corps et ainsi de suite, qui ne sont pas seulement traitées cognitivement, ils sont traités de manière expérientielle et et affective. Dans ton modèle, tu sembles insister beaucoup sur un concept qui est l’arousal, le niveau d'excitation. Peux-tu nous parler un peu de ce concept ? Oui. Je pense que ça vient de l'idée qu’il y a du stress, que nous pouvons devenir corporellement tendus, et nous pouvons avoir plus de cortisol autour de nous, et nous pourrions être stressés et ainsi de suite. Cela peut arriver dans toutes sortes de situations et c'est un état plutôt générique de de vigilance mentale accrue par exemple, et de tension musculaire. Nous pouvons avoir cela à des moments où nous sommes engagés dans une tâche difficile. Ce genre de tâches que d’affreux psychologues nous proposent et qui sont impossibles, mais nous ne réalisons pas qu'elles sont impossibles, donc nous sommes de plus en plus plus frustrés. Nous pouvons avoir cette sorte d'excitation et ainsi de suite, mais nous pouvons aussi avoir une excitation qui est beaucoup plus dans le contexte de nos processus relationnels et les émotions que nous éprouvons dans ces processus. Il s'avère que certaines personnes sont beaucoup plus plus sensibles à cela. Quand nos attachements sont actifs, nous devenons soudainement beaucoup plus subjectivement excités et ainsi de suite, avec différentes émotions et toute une gamme d'émotions bien sûr, et cela peut aussi nous déstabiliser. Nous savons que l'attachement, l'excitation ou la stimulation nous rend en fait beaucoup plus plus vulnérables à perdre la mentalisation. Ces deux domaines ont tendance à aller ensemble et à interagir l'un avec l'autre. Ok. Tu utilises aussi, peut-être de façon interchangeable ou non, c'est là la question. vois-tu une différence importante entre les affects et les émotions ? Comment utilises-tu ces mots ? Je les utilise librement. Je ne les divise pas en fait. Je suis tout à fait d'accord avec la possibilité de d'essayer de les diviser. L'un étant l'expression pour ainsi dire, et l'autre, n'étant pas nécessairement ce que nous exprimons et des choses comme ça, donc tu peux commencer à diviser les émotions et les affects. Mais franchement, dans le travail clinique, je pense que ça ne fait aucune différence du tout etc’est beaucoup plus intéressant d’obtenir des patients qu’ils s'inquiétent des émotions juste en général, parce que c'est un terme générique, et à l'expression de ces émotions, et si ce que nous ressentons à l'intérieur de nous-mêmes est réellement intégré et correspond à ce que nous exprimons aux autres à propos de nous-mêmes et ainsi de suite. J'utilise les deux termes de manière très vague, j'en ai bien peur, donc je m'excuse. Ok. Merci d'avoir été clair avec nous. Aussi, je me demandais, au sujet des émotions et et de leur gestion, beaucoup d'approches suggèrent de s’entraîner à développer des compétences, à la résolution de problèmes. Je pense que la mentalisation dans ton approche est un peu différente et semble prêter beaucoup d'attention à l'expérience subjective de l'émotion dans la relation, avec le degré de mentalisation que cela peut générer. Peux-tu nous en dire un peu plus à ce sujet ? Oui. D'une certaine manière, cette différence que tu viens de souligner, c’est nous avons une approche descendante. Nous essayons vraiment de garder tout ceci ici, en gérant ces émotions. Les niveaux supérieurs de notre fonction cérébrale, pour ainsi dire, où se trouve la mentalisation, contrôlent en fait ces expériences. Elle les gère et ainsi de suite, et c'est ce que nous essayons de continuer à faire fonctionner vraiment. De l'autre côté, il y a une approche ascendante où en fait tu écrases le sentiment et tu les arrêtes en faisant quelque chose ou en utilisant une compétence et ainsi de suite. Maintenant, les deux sont en fait pas mutuellement exclusifs comme les gens essayent parfois de faire croire. Il faut avoir des compétences, d'un côté, vous devez mentaliser de l’autre. En fait, bien sûr, tu dois avoir les deux et tu peux mettre en action habilement les compétences si tu mentalises. Toi aussi, si ta mentalisation est en marche, tu n'as pas besoin des compétences que ça, donc c'est un équilibre, mais nous avons tendance à nous concentrer sur la seule compétence que tu peux avoir avec toi partout, prendre avec toi en un sens, qui est la compétence de mentaliser, qui te permet de fonctionner dans des situations d'interaction sociale de plus en plus complexes. Eh bien, merci beaucoup, Anthony, pour avoir éclairci les choses, en rendant absolument limpide le fait que les émotions sont en fait au centre de nos préoccupations et de notre attention dans la mentalisation et qu’en fait les deux entretiennent une relation qui est vraiment utile à travailler. Merci beaucoup pour ton temps et nous nous reverrons bientôt, j'espère. Ok. Merci de m'avoir invité. Merci. Au revoir. Dans cet interview, le professeur Bateman a pu vraiment centrer notre attention sur le lien entre la mentalisation et l'expression émotionnelle, l'expression affective. Et il est revenu sur quelque chose qui me semble vraiment assez central, c'est l'aspect du maintien de l'équilibre entre les aspects plus on va dire cognitifs, c'est-à -dire les pensées, l'insistance plus sur le raisonnement et puis les aspects affectifs, émotionnels, qui génèrent eux toute une expérience corporelle, une expérience qui peut nous saisir vraiment. Et l'idée c'est qu'en fait, le couple émotions et mentalisation est un couple qui peut se maintenir en équilibre quand il y a un déséquilibre soit que ça devient trop cognitif, trop théorique ou alors ça devient trop émotionnel, trop envahissant et souvent trop agi. Et c'est en ça que la mentalisation finalement va contribuer à la régulation émotionnelle pour pouvoir effectivement quelque part, Professeur Bateman utilisait le mot "Top Down", pour pouvoir maintenir les rennes de notre expérience émotionnelle, mais qu'elle puisse quand même s'infiltrer pour qu'on puisse la vivre pleinement. [MUSIQUE]