[MUSIQUE] [MUSIQUE] Après avoir défini l'impact social et la manière de bien le mesurer, il convient d'identifier les effets de son action pour ses parties prenantes ainsi que d'identifier des indicateurs. L'acteur clé de toute démarche de mesure de l'impact social, ce sont bien les parties prenantes de l'entreprise, définies par Edward Freeman, père de la théorie éponyme, comme, et j'ouvre les guillemets : « un individu ou un groupe d'individus en relation avec l'entreprise qui peut affecter ses décisions ou être affectées par elles. » Je ferme les guillemets. Et vous constatez que cette définition concerne l'entreprise au sens large. Vos premières parties prenantes en tant qu'entreprise sociale sont, a priori, vos bénéficiaires directs, ceux pour lesquels vous avez créé le service ou le produit. Ce sont donc les effets que votre action a sur vos bénéficiaires qui devront être prioritairement regardés, analysés, mesurés. Si vous en avez le temps et les moyens, il est cependant très intéressant d'aller au-delà de ces bénéficiares directs et de s'intéresser à l'impact que vous avez sur l'ensemble de vos parties prenantes. Le premier travail consistera alors dans ce cas à identifier et hiérarchiser ces parties prenantes. Ensuite, il s'agira de réaliser pour chacune de ces parties prenantes ce que l'on appelle la carte des impacts, dans le vocabulaire de l'approche SROI, Social Return on Investment, dont je vous parlerai dans la prochaine vidéo. La carte des impacts fait apparaître pour chaque partie prenante ses contributions au projet, ses réalisations concrètes et enfin les effets que le projet a sur elle. On appellera ça les résultats ou les bénéfices. Vous pourrez utilement nourrir votre carte des impacts avec divers types de ressources, dont les études que produisent les réseaux professionnels. Par ailleurs, dans le cas où un projet pilote, une expérimentation existe, il vous est fortement conseillé d'interviewer vos parties prenante intégrées à cette expérimentation pour préciser votre carte des impacts. Cette étape de concertation, d'échange, de dialogue avec ces parties prenantes et extrêmement riche d'enseignements. Elle vous permettra d'appréhender les résultats générés au-delà des objectifs initiaux de votre organisation et d'identifier d'éventuels effets négatifs que vous pourrez ainsi corriger. Vous serez peut-être amené à revoir les effets que vous pensiez avoir sur vos parties prenantes. Ceci nourrira également les étapes suivantes de votre démarche d'évaluation, notamment pour ce qui concerne le choix des indicateurs. Vous pourrez avoir recours à différentes méthodes en fonction de vos contraintes et en fonction des bénéficiaires concernés. Cela ira du simple appel téléphonique à des entretiens individuels, l'envoi d'un questionnaire ou l'organisation d'une décision collective. Si la partie prenante n'existe pas, génération future par exemple, vous devrez lui trouver un ou des porte-paroles. Prenons à présent et de nouveau l'exemple du projet Mon Copilote. La mission sociale de Mon Copilote, c'est quoi ? C'est faciliter la mobilité des personnes âgées et des personnes handicapées pour éviter l'isolement social par une mise en relation avec des copilotes qui vont les accompagner dans leurs trajets. Dans le cadre du programme Size Up d'Antropia ESSEC, Anne Keisser, qui est cofondatrice de Mon Copilote comme vous le savez, a identifié comme parties prenantes de son service, au-delà de ses bénéficiaires directs que sont les personnes handicapées ou âgées, les copilotes, les aidants, les établissements d'accueil des personnes handicapées ou âgées, les transporteurs, les collectivités qui gèrent les transports concernés. Anna a ensuite choisi de se concentrer dans un premier temps sur l'impact de Mon Copilote sur ses bénéficiaires directs avec la question évaluative suivante, et retenez bien ce terme, question évaluative : améliorons-nous l'inclusion des personnes handicapées et, ou âgées dans la société ? Ceci amène à vérifier si Mon Copilote réussit d'une part à augmenter leur sentiment de bien-être et leur estime de soi et d'autre part à changer le regard des copilotes sur le handicap. La phase dite qualitative au début de la démarche a permis de confirmer que les bénéficiaires interviewés parlaient peu de la mobilité apportée par Mon Copilote. Ce sont leurs copilotes ou la reprise d'une activité de loisirs qui étaient spontanément évoqués, donc le sujet de l'inclusion sociale. Cette phase qualitative a également permis de définir précisément quels impacts seraient à quantifier pour mesurer l'augmentation du bien-être généré par l'action, l'activité de Mon Copilote. Ont été retenus le sentiment de contribuer à une action collective, la diminution du sentiment d'isolement et du sentiment de solitude et enfin le sentiment d'être écouté et de compter, donc des résultats très qualitatifs. Il nous faut donc maintenant choisir des indicateurs. Vous avez cherché à identifier des changements générés par votre projet sur vos principales parties prenantes. Et l'enjeu va être maintenant de mesurer ces changements, ce qui n'est pas une chose forcément très intuitive. Et pour ce faire il va falloir choisir des indicateurs pertinents, évidemment. Revenons à l'exemple de Mon Copilote. Quels indicateurs élaborer pour mesurer, pour objectiver les changements identifiés? Faisons un zoom sur le sentiment d'être écouté et de compter. Il s'agira d'établir le nombre de personnes handicapées et, ou âgées qui déclarent avoir le sentiment d'être écoutées d'une part, de compter d'autre part, à chaque fois aussi bien par et pour leur copilote que par et pour l'équipe de Mon Copilote. Anne a dû faire un détour par une démarche d'entretiens qualitatifs donc, pour chiffrer ce résultat. Qu'est-ce qu'un bon indicateur ? Nous avons retenu une grille de cinq critères : utilité, disponibilité, acceptabilité, fiabilité, comparabilité. Ce dernier critère est optionnel. Tout dépend effectivement de ce que vous souhaitez faire de l'indicateur. S'il doit donner lieu à des comparaisons internes ou externes, il faudra donc vérifier qu'il s'y prête. Dans tous les cas, attention aux comparaisons hâtives. La question des indicateurs est une question à la fois complexe et sensible et il faudra aussi, au-delà de la vérification des cinq critères que je viens d'évoquer, garantir dans le temps la collecte des données. Car sans données, pas d'évaluation. Il faudra également éviter d'avoir une batterie d'indicateurs trop importante. Pour une communication externe par exemple, simplifiez la lecture en regroupant les indicateurs de façon thématique par exemple, voire ne retenez que quelques indicateurs les plus significatifs. Vous devez enfin et surtout accepter de mesurer une réalité humaine et sociale qui est complexe, que l'on peut parfois répugner à mettre en chiffres. Typiquement, il est évident qu'évaluer le bien-être n'est pas aisé, mais qu'une amélioration en la matière peut faire partie intégrante de la mission sociale de très nombreuses entreprises sociales. C'est ce chemin de mesurer le non-mesurable qu'il convient sans doute d'emprunter pour aller vers des évaluations qui sont plus riches d'enseignements et qui deviendront de vrais outils de pilotage et d'amélioration des pratiques au service de la mission et donc de l'amélioration du bien-être, puisque c'est de cela dont nous parlons. Ceci, en conclusion, signifie que vous ne devrez pas viser une liste exhaustive d'indicateurs parfaits, puisqu'il n'y en a pas. Mais comme pour l'ensemble de la démarche engagée, vous devrez pouvoir argumenter vos choix et être transparent sur leurs avantages et leurs limites, sans jamais leur faire dire ce qu'ils ne peuvent pas dire.