[MUSIQUE] Témoins et experts de ce troisième module se sont attelés à analyser la démarche adoptée par les associations pour diversifier leur modèle économique. Tout d'abord, pour Charles-Benoît Heidsieck, l'association qui œuvre au service de l'intérêt général peut questionner son modèle économique à la lumière de ce que ce modèle est par rapport à un modèle économique classique. En tant que structure d'intérêt général, son modèle ne peut pas reposer majoritairement sur des revenus d'activités. D'un autre côté, les subventions publiques manquent, et le modèle de prestataire de service public se développe de plus en plus. Il devient donc crucial pour l'association de définir clairement son rôle pour répondre aux besoins sociétaux. La démarche d'hybridation peut être enclenchée par des causes très diverses. Pour Vitamine T, il a pu s'agir de la législation, qui a permis le développement progressif des diverses activités du groupe. Des évolutions structurelles aux plans économique et fiscal ont pu également pousser Habitat et Humanisme à diversifier son modèle économique, ainsi que l'explique Bernard Devert. La hausse du prix de l'immobilier, qui ne rendait plus possible les acquisitions exclusivement sur fonds propres, et l'évolution de la fiscalité ont eu un impact négatif sur le don, ce qui a poussé Habitat et Humanisme à revoir son modèle de financement. D'autres structures ont fait évoluer leur modèle économique car leurs besoins sociétaux, et donc leur cadre d'intervention, ont évolué. C'est le cas, par exemple, de l'Union nationale des CPIE, représentée ici par Brigitte Giraud, qui a dû réinventer son modèle d'action face à la sensibilisation croissante du grand public aux enjeux environnementaux. Enfin, Marie Trellu-Kane nous explique qu'Unis-Cité, en créant le modèle du service civique, a elle-même transformé son écosystème ; et ceci l'a ensuite poussée à repenser son modèle économique en réponse à deux éléments de réalité : l'État a commencé à financer une partie du budget lié au service civique dans le cadre d'une loi, et cette forme de mobilisation et d'engagement prend et a pris une ampleur croissante dans la société. L'hybridation du modèle peut alors s'effectuer selon une multitude d'approches possibles. L'AFM-Téléthon, par exemple, a choisi de raisonner en mode start-up et de développer de nouvelles structures par projet, en assumant une vision industrielle pour renforcer l'ambition du projet associatif et permettre une réelle ambition dans les opérations à lancer. Nous vous invitons, à ce titre, à consulter les ressources complémentaires dans lesquelles vous trouverez le témoignage de Laurence Tiennot-Herment sur les détails d'autres projets que l'AFM a développés au fil de son évolution. Unis-Cité, nous explique Marie Trellu-Kane, a développé de nouvelles activités portées par des entités distinctes de l'association et qui ont permis de générer des revenus reversés à l'association, mais aussi de nourrir le projet associatif. On peut penser, par exemple, aux missions de conseil auprès des structures qui accueillent les jeunes en service civique, qui permettent de rendre le service civique encore plus formateur et performant à grande échelle. Du côté de l'UNCPIE, c'est le prisme des alliances qui a guidé la transformation du modèle économique de la tête de réseau. En effet, comme nous l'explique Brigitte Giraud, il est apparu primordial de développer des alliances à l'échelon national pour adopter une vision systémique de l'écologie, avant de décliner les actions au niveau des territoires. La diversification peut donc se faire par le développement de nouvelles activités ou implantations, mais il ne faut pas oublier qu'il n'est pas forcément nécessaire pour cela de développer de nouvelles compétences. Par exemple, Môm'artre a choisi de réutiliser les compétences déjà existantes chez ses membres pour développer une nouvelle activité de formation ; et là encore, comme pour nos autres témoins, la première vocation de ces nouvelles activités n'est pas uniquement, voire pas du tout, de trouver une nouvelle source de revenus pour l'association, mais bien de répondre toujours mieux au besoin social identifié au départ. Cette vigilance par rapport à la mission de l'association est en effet primordiale pour éviter le mission-drift, décrit par Anne-Claire Pache. La pérennité de l'association dépend tout d'abord de la définition claire des objectifs économiques et sociaux en lien avec le projet associatif. Le succès de la diversification de son modèle passe également par la structuration de la démarche dans la durée, son suivi et son pilotage. Ainsi, Anne-Claire Pache évoque la définition des objectifs, leur pilotage, mais aussi l'adaptation nécessaire de l'organisation, la prise en compte des impacts sur les processus de recrutement et sur l'incarnation nécessaire du projet par les dirigeants de l'association. Cette tension entre économique et social et son évolution dans la durée se ressentent particulièrement chez Vitamine T, où André Dupon souligne la nécessité d'anticiper l'évolution de son modèle à un horizon de trois ans minimum. On retrouve ici des démarches communes au monde de l'entreprise classique ; d'ailleurs, les associations tendent, pour beaucoup, à s'inspirer des démarches économiques classiques pour rendre leurs modèles les plus pérennes, les plus robustes possible. Ainsi, selon Brigitte Giraud, le modèle d'investisseur sociétal permettrait à l'UNCPIE de bénéficier d'investisseurs exigeants en termes d'impact social et qui pourraient donc engager une transformation significative des projets en territoires. On retrouve une démarche similaire chez Habitat et Humanisme, puisque Bernard Devert nous explique que le développement de la foncière et de l'investissement solidaire ont été un succès pour l'association, parce que celle-ci s'est engagée dans une vraie démarche de transparence et de preuve d'impact auprès des actionnaires et des investisseurs, qui sont encouragés à coconstruire le projet dans la durée plutôt que seulement à le financer. Cette logique de preuve d'impact et d'amélioration continue doit prévaloir, non seulement pour satisfaire les exigences des partenaires et investisseurs, mais aussi et surtout pour s'améliorer en continu, réinterroger son modèle et assurer la pérennité de la transformation du modèle. Ainsi, l'UNCPIE projette de transformer ses points Info Biodiversité en des plateformes multi-acteurs permettant de faire remonter des propositions de modèles économiques expérimentés en territoires, et ainsi réinventer son action en l'adaptant à ces nouveaux modèles. Chez Môm'artre, le développement de nouvelles antennes et de nouveaux modes d'intervention ont permis de définir des processus d'implantation clairs et efficaces pour l'ensemble des antennes, et le réseau se nourrit donc en permanence des expériences en territoires pour consolider le projet général. Pour conclure, comme l'explique Marie Trellu-Kane, la diversification de son modèle est avant tout pour une association une opportunité de découvrir et de tester des cultures et des méthodes différentes, que ce soit à l'amorce de la diversification ou dans son suivi. Cette diversification du modèle et des méthodes est d'ailleurs bien souvent cruciale pour assurer la pérennité du projet associatif. [AUDIO_VIDE]