[MUSIQUE] Dans ce deuxième module, les acteurs terrain et nos experts se sont intéressés aux différents leviers du modèle économique associatif, de l'articulation de ces leviers et de la manière dont ces différentes structures ont procédé pour construire leur modèle. Si on considère d'abord le levier des ressources humaines, on constate la diversité que ces ressources humaines peuvent recouvrir. On trouve tout d'abord, par exemple chez Môm'artre, le bénévolat classique et les emplois en CDI. La diversité des profils bénévoles apporte ainsi une grande richesse et, en même temps, la présence de salariés assure une stabilité et une continuité dans les missions et l'encadrement des enfants. Des jeunes en service civique viennent également apporter leurs compétences pour soutenir les équipes. Mais comme le précise Sylvain Reymond, de chez Pro Bono Lab, les ressources humaines c'est aussi le mécénat ou le bénévolat de compétences. Ces nouveaux modes de partage de compétences, d'expertise, répondent à des aspirations croissantes chez les salariés et constituent donc pour les entreprises un levier de motivation. Thibaut Guilluy, directeur général de ARES, de son côté, nous rappelle l'enjeu central pour le recrutement puis la gestion des ressources humaines, la valorisation des différents parcours et le suivi constant de la bonne adéquation des ressources mobilisées, pour répondre effectivement et de manière cohérente aux projets à mettre en œuvre. Cette bonne articulation est stratégique dans un groupe comme ARES, où les salariés qui font fonctionner les entreprises au quotidien sont également les bénéficiaires du projet associatif. Après les ressources humaines, viennent les ressources financières. Et si on pense spontanément aux cotisations des membres ou aux subventions publiques comme étant les sources essentielles de financement des associations, il ne faut pas oublier qu'il existe en réalité bien d'autres financements possibles pour les associations. Ainsi, même des formes traditionnelles de financement des associations se renouvellent aujourd'hui, avec l'évolution des technologies conjuguée à une professionnalisation des modes de collecte. Le don, nous explique Arthur Gautier, est en croissance face à la baisse des subventions publiques et à un contexte de concurrence accrue entre les associations. La professionnalisation, que j'évoquais il y a un instant, se traduit par l'instauration de plateformes de crowdfunding, par exemple, qui permettent d'aller toucher des publics plus éloignés que les traditionnels donateurs plus âgés, aisés et plus éduqués. Ainsi, l'enjeu pour les associations qui font appel aux dons n'est pas seulement d'examiner la possibilité de recourir à ces nouveaux canaux, mais aussi d'anticiper les nouvelles tendances, sans pour autant, bien sûr, se couper de leurs donateurs historiques. En plus de nouvelles formes de financement qui émergent, l'un des enseignements majeurs que nous pouvons tirer des témoignages de ce module est très sûrement la technicisation croissante des structures financières, mais aussi juridiques, de ces associations qui se sont beaucoup professionnalisées sur ce sujet ces dernières années. Ainsi, le groupe Vitamine T a fait le choix déterminé de se tourner vers les modèles de l'entreprise classique, avec la constitution d'une holding, tout en affirmant son identité associative. Faire appel à des actionnaires privés a permis au groupe de développer des filiales ayant un mode opératoire assez classique, répondant aux exigences du marché, tout ceci dans le cadre d'une association faîtière qui est l'unique actionnaire de la holding, qui détient l'ensemble des sociétés privées créées, et qui garantit ainsi le caractère désintéressé de l'ensemble. De façon similaire, Laurence Tiennot-Herment affirme que la logique de retour sur investissements n'est pas propre à l'entreprise lucrative et que les associations doivent également valoriser leur action, même si la gouvernance se doit de rester désintéressée et que l'activité doit toujours être réalisée dans un but non lucratif. Enfin, il convient de rappeler, comme le fait Chantal Mainguené, qu'en matière de décisions financières et budgétaires, l'association, au même titre que n'importe quelle entreprise, ne doit pas forcément aller chercher de nouvelles ressources, mais peut aussi, comme l'a fait Môm'artre, chercher à contracter, rationnaliser ses charges. Ainsi, l'association a, par exemple, mutualisé les missions de direction de deux antennes au sein d'un seul poste, nourrissant par la même les échanges entre les différentes antennes. Dernier levier, et tout aussi majeur, les alliances. Elles peuvent se faire avec d'autres associations, mais aussi avec des entreprises ou avec les pouvoirs publics. Quel que soit le partenaire choisi, l'ancrage territorial est primordial pour que les partenariats soient fructueux et opérants, comme le souligne Charles-Benoît Heidsieck. La relation au territoire est ainsi placée comme facteur de succès clé pour le groupe Vitamine T. Quant au réseau Môm'artre, il a su se doter de partenaires aussi inattendus qu'un centre commercial, après avoir étudié en détail, sur le terrain, quelles pouvaient être les alliances pertinentes pour maximiser l'impact de ses activités. La démarche partenariale peut être naturelle pour une association en raison de son secteur d'intervention. C'est le cas d'ARES, qui lutte contre l'exclusion et doit donc tisser des liens forts avec l'ensemble des acteurs de l'insertion par l'activité économique, entreprises classiques incluses, pour construire des parcours cohérents et efficaces à l'intention de ses bénéficiaires. Dans d'autres cas, il se peut que ce soit les difficultés, au départ financières, qui poussent finalement l'association à repenser totalement son projet et à s'inscrire dans une démarche partenariale pour construire un modèle plus solide. C'est le cas du centre associatif Boris Vian de Vénissieux, dans le Rhône, qui a su prendre le temps, étape par étape, d'examiner les différents partenariats possibles et souhaitables au vu de son projet, et qui a affiné sa proposition de valeur auprès de ses différents partenaires potentiels au fil des échanges et discussions avec eux. Comme l'explique Corinne Romeu, la directrice, il est en effet central de définir clairement la contrepartie attendue par chacune des parties prenantes avant de s'engager dans un partenariat, et sans oublier aucune des parties prenantes du projet, bien sûr. Thibaut Guilluy partage cette position, insistant sur l'importance d'une vision partagée, même si cette vision est sous-tendue par des intérêts différents. Ainsi, chacune des parties se nourrit de la position de l'autre et leur modèle économique commun peut alors être construit en toute transparence. Cette transparence n'est pas forcément évidente puisqu'il existe un certain choc des cultures, qui est souvent inévitable, avant de vraiment comprendre les enjeux de chacun des partenaires. Enfin, comme le rappelle Charles-Benoît Heidsieck, si les alliances sont l'un des trois leviers du modèle associatif, elles sont aussi au cœur des stratégies de ressources humaines et financières des associations. À cet égard, ces alliances s'inscrivent désormais pleinement dans une démarche de coconstruction, et non plus simplement de solidarité ou de complémentarité entre les associations et leurs partenaires. C'est ainsi que les groupes Vitamine T ou ARES ont monté des joint-ventures sociales avec des entreprises classiques, construisant des modèles économiques mêlant savoir-faire économique et opérationnel et savoir-faire social.