[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous accueillons Anne-Claire Pache, qui est professeure titulaire de la chaire, Philanthropie, qui est directeur de la grande école, ESSEC. Anne-Claire, on va parler aujourd'hui des partenariats entre entreprises et associations en général. Et une première question, quelle est, selon vous, les grandes évolutions qu'ont connues ces partenariats au cours de ces 10 ou 20 dernières années. >> Il y a une vingtaine d'années on était dans une situation où on avait, quelquepart, deux mondes très séparés ; avec des frontières relativement >> imperméables. D'un côté, la sphère économique des entreprises privées à but lucratif, de l'autre, le champ de l'économie sociale et solidaire, composé d'acteurs de structures privées, à but non lucratif, prenant en charge l'intérêt général. Et on avait cette sorte de répartition des rôles au sein de la société ; avec du coup, très peu d'interface, très peu de relations de connaissance, qui engendrait cette méconnaissance, engendrait, par ailleurs, une perception, souvent négative, d'un secteur sur l'autre. Et on était, quand même, dans cette relative, on va dire, méconnaissance, voire opposition, entre les deux secteurs. Et cette situation, depuis une vingtaine d'années, je dirais que l'évolution, on la connaît surtout depuis, depuis une petite dizaine d'années, vise à ce que les frontières entre les deux mondes soient plus poreuses. Donc on a de plus en plus d'acteurs privés à but lucratif qui intègrent dans leurs missions, et dans leurs modes d'action, une dimension de contribution à l'intérêt général ; j'ai l'exemple de Danone, en tête, comme une entreprise privée capitaliste qui a inscrit, quelque part, dans sa mission le fait de contribuer à, au développement d'un monde meilleur ; et on a également du côté des acteurs de l'intérêt général, des acteurs qui, de plus en plus, intègrent, éventuellement, une dimension commerciale, une dimension économique forte ; et qui, de ce biais-là, finalement, se se rapprochent, en termes parfois de structure organisationnelle ou de modes opératoires, des acteurs privés à but lucratif. >> Pourquoi, et selon vous, quelles sont les causes et les éléments qui ont contribué à ce rapprochement, à cette convergence? >> Les enjeux sociaux, sociétaux, environnementaux, auxquels notre planète est confrontée sont tels que plus personne, y compris les acteurs, entreprises, ne peuvent considérer que >> ces enjeux-là ne sont pas de leur ressort. On a aussi une évolution, je pense, culturelle ou idéologique, sur le thème de, finalement, l'intérêt qu'il peut y avoir à utiliser des outils de la sphère économique au profit de l'intérêt général ; je pense qu'il y a eu aussi le mouvement autour de, du mécénat d'entreprise en France, de, Corporate philanthropy, plus largement, est un mouvement, là, qui date, on va dire, d'une quarantaine d'années, et qui a permis de faire se rapprocher ces deux mondes. D'abord dans une logique qui était purement, entre guillemets, caritative, avec des entreprises qui finançaient des acteurs associatifs pour contribuer à leur mission. Mais ce mouvement-là a permis un rapprochement de ces deux mondes, et une meilleure connaissance, et peut-être aussi une prise de conscience du fait que, oui, les uns et les autres ont beaucoup de choses à s'apprendre, ont des expertises extrêmement complémentaires, qui, si elles sont rapprochées, peuvent générer des effets très positifs sur la société. >> Peut-être un exemple de cette complémentarité que vous avez pu expérimenter, par exemple dans Unis-Cité. >> Oui, alors, si j'utilise l'exemple de >> de l'expérience d'Unis-Cité, qui est donc une association qui a été créée en 1994, et qui a développé en France, enfin qui a été l'association pionnière du Service civique des jeunes, est une association d'inspiration américaine, et qui, du coup, avait quelque part dans ses gènes >> cette idée que des entreprises privées pouvaient, aux côtés de l'association à but non lucratif, venir contribuer au développement de cette notion, de ce grand projet de société. Et dans, on va dire, les premières années d'Unis-Cité, cette volonté qu'Unis-Cité avait de rapprocher les entreprises de ces activités d'intérêt général, avait suscité, dans l'univers associatif dans lequel Unis-Cité opérait à l'époque, des réactions négatives, sur le thème, mais Unis-Cité travaille avec des entreprises, Unis-Cité se fait acheter par des entreprises, dans quelle mesure est-ce qu'elle va être utilisée pour l'intérêt privé des entreprises en question? Et puis, progressivement, au travers du temps, on se rend compte que là où on avait pu être regardé, dans les premiers temps, comme cette bête bizarre qui essayait de rapprocher les mondes, on est plutôt, aujourd'hui, enfin, l'association Unis-Cité est plutôt regardée aujourd'hui comme un modèle intéressant de capacité à faire travailler ensemble, une association de loi 1901, des entreprises privées lucratives, qui, sur un certain nombre de projets très concrets, peuvent allier leurs forces, que ce soient des ressources financières, dont l'association a besoin pour mener à bien ses projets, mais aussi une contribution stratégique et intellectuelle, avec un certain nombre de, d'experts, des partenaires de l'association qui sont impliqués dans différents groupes de travail, ou dans le conseil d'administration ; et puis, voilà, des synergies très spécifiques qui sont créées autour de grand projets. >> Alors, cette coopération est-ce qu'on peut faire une sorte de typologie, c'est-à-dire, est-ce que les entreprises préfèrent privilégier plutôt certaines approches, et les associations vont privilégier plutôt d'autres approches? Enfin, qu'est-ce qu'on pourrait résumer brièvement en termes de choix de ces organisations? >> En fait, il y a >> des formes de partenariats, entre les deux types d'acteurs, extrêmement divers. Qui vont de, voilà, un mode de coopération entre des entités bien différentes, une entreprise d'un côté, une association de l'autre, et des choses qui se passent entre les deux, avec des formes de partenariats plus ou moins intégrées, donc impliquant des collaboration étroites entre des interlocuteurs ; il y a des formes, ensuite, encore plus fortes qui vont amener à la création de, joint venture ; et puis on a un troisième forme, encore encore, quelque part, plus aboutie, qui donne lieu à la création d'organisations hybrides, c'est-à-dire d'organisations qui, en leur sein finalement, portent la dimension commerciale et économique, et la dimension d'intérêt général. >> Et alors, avec votre double casquette, à la fois de professeur, de chercheur, et puis d'acteur de l'univers associatif, comment voyez-vous le futur de ces partenariats? >> Alors, le futur de ces partenariats, il est >> très lié à la capacité que tous les acteurs impliqués, là je pense notamment aux hommes et aux femmes qui font vivre au quotidien ces partenariats, auront réellement à travailler ensemble. Et le futur de ces entités, je pense qu'on est passé d'un moment où ce n'était pas envisageable de collaborer, à un moment où, aujourd'hui, tout le monde est prêt à collaborer, et essaie de trouver les formes d'y arriver, on a un gros enjeu de réussir, de dépasser le, c'est bien de le faire, allons-y! On a maintenant un vrai enjeu qui est celui de dire, d'arriver à démontrer qu'on va effectivement plus loin quand on est capable d'allier ces deux forces. Et, alors, moi, ce dont je rêve, je vais vous dire, si ça se passera ou pas c'est une autre histoire, mais c'est que, finalement, quelque part, tous les acteurs économiques intègrent une dimension de, responsabilité de prise en compte d'intérêt général, et que tous les acteurs aujourd'hui dans le champ de l'intérêt général, se familiarisent et intègrent, là aussi, une notion d'efficacité, et d'efficacité économique. [MUSIQUE]