[MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Nous accueillons aujourd'hui Kévin André, qui est professeur à l'ESSEC en innovation sociale, et plus particulièrement expert des questions de mesures de l'impact social. Alors Kévin, une première question : pourquoi faut-il mesurer l'impact de ces partenariats entre des entreprises du secteur privé lucratif et des associations qui servent l'intérêt général? >> Alors, on voit bien qu'il y a une tendance pour aller vers plus de partenariat, on est dans un monde où on observe qu'il y a trop de cloisonnement, >> en tout cas dans le contexte français, dans le contexte structurel français. On est aussi dans une tendance forte du collaborative, donc coopérer, on est de plus en plus vers une logique de coopération, et de moins en moins vers des logiques de compétitions. Ceci étant dit, c'est pas parce qu'on est dans cette logique-là qu'on est forcément dans un gagnant-gagnant à la fin. Donc pourquoi il faut évaluer? Il faut évaluer en fait si quand on rassemble deux partenaires, par exemple une association et une entreprise, est-ce qu'il y a une valeur ajoutée à la fois pour l'association, à la fois pour l'entreprise, parce que ça doit être réciproque, et évidemment une valeur ajoutée pour l'intérêt général, c'est-à-dire les bénéficiaires. Du coup, la question c'est est-ce que un plus un égale plus que deux, et que si on n'avait fait ce partenariat, il y aurait eu moins de valeur créée à la fois pour l'un, pour l'autre, et pour l'intérêt général? J'insiste sur le fait que c'est pas si évident que ça, parce qu'en dehors de l'impact financier de la mise en place de partenariat, il y a quelque chose qu'on appelle les coûts de transactions, et ces coûts de transactions sont du temps masqués, du temps souvent pris d'ailleurs sur les dirigeants, par exemple, et ça peut avoir un impact très fort sur l'organisation. Donc il faut bien être sûr que ces coûts de transaction sont inférieurs à la valeur créée encore une fois pour un partenaire, pour l'autre, et pour l'intérêt général, c'est-à-dire les bénéficiaires. >> Si on précise la notion de coûts de transactions, avec un exemple rapide, ça donne quoi? >> Par exemple, on sait très bien dans la recherche que les fusions sur le papier, on pense que ça va fonctionner, et en fait, les cultures d'entreprises sont tellement différentes que in fine, les coûts de transactions, les coûts masqués, >> de temps passé en réunion, à se mettre d'accord, à se comprendre, sont in fine supérieurs à ce qu'on aurait pu imaginer comme par exemple économie d'échelle. Donc il faut vraiment faire attention. Cette notion de coûts de transactions, elle se matérialise notamment par du temps, elle est donc plus difficile à quantifier, moins directement quantifiable que par exemple les ressources financières affectées au projet, et c'est pour ça qu'on a tendance à les oublier au démarrage, alors qu'elles sont très, très importantes dans l'équation. >> Alors, maintenant qu'on sait qu'on n'a pas la certitude que un plus un égale deux, et qu'il faut faire en sorte que même un plus un fasse plus que deux, et pas moins que deux, comment on fait pour mesurer ce supplément lié ou généré par le, >> le partenariat, comment et puis peut-être les étapes par lesquelles les organisations doivent passer? >> Alors comme toujours dans la mesure de l'impact social, indépendemment de cette question spécifique du partenariat, la question qui se pose, c'est la question de l'attribution. Qu'est-ce qui se serait passé si ce partenariat n'avait pas existé, et faire quelque part la différence entre ces deux situations. Pour mesurer ça, il faut le faire selon trois registres, j'en ai déjà parlé. À la fois fois pour le partenaire, par exemple l'association, la structure d'intérêt général, pour l'entreprise si c'est une entreprise qui fait un partenariat avec l'association, mais aussi pour l'intérêt général, c'est-à-dire pour les bénéficiaires. Je compare cette valeur créée, nette, entre guillemets, par rapport au temps et aux coût affectés à la creation de ce partenariat. Ce que je pense qu'il faut faire dans un partenariat, c'est identifier les changements, donc c'est la théorie du changement, identifier les changements qu'on attend avec ce partenariat, à la fois encore une fois pour un partenaire, pour l'autre partenaire, ou pour l'ensemble des partenaires, mais aussi ne jamais oublier l'intérêt général qui doit être là, parce que si on est uniquement dans une logique de partenariat gagnant-gagnant sans avoir un tiers gagnant qui est l'intérêt général, on n'est pas dans un partenariat qui nous intéresse là, c'est-à-dire un partenariat à impact social, donc identifier les changements, les dimensions des changements. Essayer de trouver ce qu'on appelle les proxis, c'est-à-dire un ou plusieurs indicateurs qui permettent d'approximer la mesure, et si c'est pas possible, si c'est trop compliqué sur le plan technique, ou si on n'a pas les ressources pour l'affecter, a minima, c'est toujours possible de faire une mesure qualitative, c'est-à-dire tout simplement faire des entretiens, se poser la question sous forme de focus group, d'entretiens individuels etc., de est-ce que c'était les changements qu'on attendait? >> Alors quelques mots complémentaires, mesurer du temps c'est facile, c'est des heures, mesurer des ressources financières, c'est facile aussi, c'est des euros, vous avez évoqué la notion de proxi, si on approfondit un peu et si on va un cran plus loin >> dans cette idée? >> Un proxi, ça peut être par exemple un indicateur subjectif, le bien-être. Je suis sur un programme d'insertion, je sais que la confiance en soi est importante, je ne sais pas comment mesurer la confiance en soi, mais je peux partir du principe que si les gens sont bien ou se sentent mieux c'est qu'ils ont plus de confiance en eux, donc je vais utiliser le proxi du bien-être pour celui de la confiance en soi. On peut utiliser des proxis en termes subjectifs. On peut évidemment aussi trouver des proxis en termes objectifs. J'en prends un par exemple, c'est en l'occurrence pour l'insertion, si je continue mon exemple sur l'insertion par l'activité économique, le taux de retour taux positif retour que, et donc la question d'intégrer à la fois la formation, mais aussi le retour à l'emploi va être un proxi. >> Donc, une fois qu'on sait qu'on a évoqué le comment, on a donc une évaluation, on a mesuré les choses, qu'est-ce qu'on fait de tout ça? Comment est-ce qu'on peut mobiliser ces données pour améliorer les partenariats en cours? >> La encore classiquement, dans la mesure de l'impact social on distingue deux approches. En anglais c'est ce qu'on appelle le prove or improve. Le prove c'est se prouver à soi-même ou à des tiers que ça a fonctionné. Moi ce que je crois, c'est que la mesure de l'impact social et l'évaluation dans les partenariats a surtout un bénéfice énorme qui peut être celui de l'improve, donc la capacité à améliorer le partenariat. Ça veut dire que l'évaluation devient un outil notamment de facilitation de la discussion et de la concertation entre les partenaires. Et ce qu'on observe c'est que souvent en fait il y a un flou Chaque partenaire n'est pas si aligné que ça sur les objectifs du partenariat, donc chercher à mesurer l'impact. Oblige quelque part chacun des partenaires à se mettre d'accord sur les objectifs. >> Et donc il y a aussi une notion d'aligner les objectifs, >> Exactement >> et qui conduit les différents partenaires à s'inscrire non seulement dans les objectifs du partenaire mais >> dans les objectifs du partenariat qui sont des objectifs à développer. >> Voilà, tout à fait. Pour conclure, si j'ai un conseil, c'est qu'il faut absolument utiliser des systèmes d'information, des partages de données, il y a des outils aujourd'hui collaboratifs, la plupart étant gratuits, c'est pas compliqué, ça n'est pas coûteux, donc quand iii partenariale comme celle-là, absolument créer une base de données ou un endroit commun dans lequel on est en transparence sur les données d'une organisation, de l'autre organisation et par rapport à l'intérêt général, ça me paraît absolument crucial, cette question de partage de données, du partage d'informations. [MUSIQUE]