[MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] Bonjour Marie-Stéphane Maradeix. >> Bonjour. >> Vous êtes Déléguée générale de la Fondation Daniel et Nina Carasso. Alors nous aimerions que vous nous expliquiez comment une fois les domaines d'action de la fondation définis dans votre cas, il s'agit de l'alimentation pour entretenir la vie et l'art pour enrichir l'esprit, comment avez-vous identifié et défini le changement social que vous souhaitez atteindre avec la fondation? >> Alors pour illustrer ce changement social, je vais prendre le cas de notre axe alimentation durable. Cet axe a été voulu par la fondatrice de la fondation, Marina Nahmias, qui est la fille de Daniel Carasso, le fondateur de Danone. Nous sommes une fondation familiale. Mais une fois cet axe choisi, la définition de l'enjeu social est le résultat d'une co-construction de pensée. En effet, pour déterminer un changement social il faut d'abord en comprendre et analyser l'enjeu, la question qui est posée, le besoin et pour ce faire nous avons besoin à la fois de, je dirais de la science et de données de terrain. Donc nous sommes entourés pour démarrer par une communauté de scientifiques internationaux qui représentait à peu près tout le prisme de l'alimentation durable, à savoir des nutritionnistes, des économistes, des sociologues, etc. Et ensemble, on a identifié cet enjeu qui pour nous est à la fois assez clair et totalement ambitieux puisqu'il dépasse la simple question de la sécurité alimentaire, en gros comment nourrir dix milliards d'individus en 2050, mais les nourrir bien, c'est-à-dire au-delà de la sécurité alimentaire et tout en préservant les ressources de la planète. Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui nous sommes dans un système alimentaire qui est sur un modèle assez dominant, qui est homogène, qui est uniformisé, qui est financiarisé, qui est artificialisé et ce modèle au jour d'aujourd'hui épuise les ressources de la planète, n'est pas un modèle totalement équitable et bien entendu pose beaucoup d'enjeux de santé comme bien sûr la question de l'obésité qui est une véritable pandémie. Donc à la Fondation Carasso, une fois que nous avons identifié cet enjeu, notre posture c'est de dire qu'il faut changer ce paradigme dominant et nous sommes convaincus, sans a priori idéologique, qu'il faut trouver des solutions et des approches plurielles sur la question des systèmes alimentaires et ces solutions et ces approches plurielles doivent respecter les piliers de la durabilité que sont l'approche environnementale, sociale, économique et nutritionnelle. >> Vous venez d'évoquer les systèmes alimentaires innovants. Vous nous en dites un petit peu plus sur ce que c'est. >> Alors un système alimentaire innovant, on pourrait dire un système alimentaire alternatif au modèle dominant dont je parlais, par exemple c'est à l'échelle d'une commune ou plutôt d'une intercommunalité si on va en milieu rural, c'est comment repenser toute la chaîne alimentaire depuis la production ou la relocalisation d'agriculteurs dans une transition vers l'agrobiologie par exemple, mais également l'approvisionnement des cantines scolaires qui est un bon exemple avec le passage au bio ou à des cycles courts, des productions relocalisées. C'est également l'éducation nutritionnelle des populations. C'est la question de la chaîne de logistique. Comment optimiser la chaîne logistique pour qu'elle soit moins émettrice en gaz à effet de serre par exemple ou la gestion des déchets. Donc c'est l'articulation finalement de toute la chaîne de valeur de l'alimentation à travers, encore une fois, le prisme de la durabilité. [AUDIO_VIDE] >> Marie-Stéphane, avez-vous développé une théorie du changement qui permet de faire le lien entre ces grands objectifs et les activités quotidiennes de la fondation? Et concrètement, comment vous vous y êtes vous pris pour définir cette théorie? >> Alors tout à fait, ce changement de paradigme sur les systèmes alimentaires fonde la théorie du changement. Alors pour la traduire en actions, nous nous sommes entourés d'expertise en interne dans les recrutements, mais également en externe puisqu'on a trois comités d'orientation qui représentent une trentaine de scientifiques ou de personnes de terrain bénévoles qui nous accompagnent. Ensemble, nous avons défini une matrice des systèmes alimentaires, en gros de la fourche à la fourchette et les quatre piliers de la durabilité, et nous avons observé les interactions de cette matrice et également le poids qu'elle représentait pour calibrer nos interventions. Donc nous avons défini des objectifs prioritaires, je vais en donner quelques exemples, les systèmes alimentaires innovants, en particulier dans leur approche territoriale, l'économie circulaire, le rapport entre agroécologie et consommation alimentation, ou encore quelques pans de production durable comme les ressources halieutiques. Une fois qu'on a défini ces grands objectifs, nous les avons adapté sur nos terrains de prédilection que sont la France, l'Espagne et l'international et nous avons défini nos modes d'intervention. On a trois piliers, un qui est la production de connaissance avec le soutien à la recherche et des conférences scientifiques, deuxièmement, l'expérimentation par le financement de projets de terrain, et enfin la diffusion, enfin la capitalisation de la diffusion et un discours de plaidoyer auprès des décideurs. >> Votre théorie du changement, elle est fondée sur ces trois modalités d'intervention, la recherche scientifique, le financement d'expérimentations de terrain et puis la dimension plaidoyer capitalisation. Pourquoi ces trois dimensions-là finalement? >> Nous sommes convaincus que c'est en articulant ces trois piliers intervention que nous allons vers l'impact que nous recherchons pour notre théorie du changement. En fait je fais souvent le parallèle sur la question de l'alimentation avec celle du climat. La problématique du climat c'est pas devant nous, on y est. L'alimentation c'est la même chose. Donc nous avons bâti une stratégie qui s'articule sur ces trois piliers intervention dans une vision à la fois de très long terme, à travers en particulier la recherche mais également le soutien des projets de recherche, les conférences scientifiques, voire le plaidoyer où on s'inscrit dans le long terme. Mais également pour le court terme. La question alimentaire elle est prégnante aujourd'hui, en particulier sur la question des vulnérabilités économiques. Donc nous avons des actions très concrètes également de court terme. Par exemple, on soutient des actions sur la nouvelle perception de l'aide alimentaire à travers le prisme de la durabilité. Le bio n'est pas fait que pour les bobos si je peux m'exprimer ainsi. Mais également sur des questions d'emploi par exemple. Comment la filière alimentaire durable peut produire des emplois, en Espagne où c'est très important, mais également en France? Et donc c'est la combinaison de cette vision long terme et court terme articulée sur ces trois piliers qui, on le pense, nous permettra d'avoir cet impact sur le changement de paradigmes sur les systèmes alimentaires. >> Tout ça est passionnant. Marie-Stéphane Maradeix, un grand merci pour votre contribution à notre MOOC. >> Merci. [AUDIO_VIDE]