[MUSIQUE] [MUSIQUE] Quand on commence à s'intéresser à la philanthropie, on est très curieux de savoir qui donne et pourquoi. Avant d'aborder la question complexe des motivations du don dans les prochaines vidéos, nous allons d'abord décrire le profil des donateurs et ce qui les distingue de l'ensemble de la population. Nous nous appuyons ici sur les nombreuses études empiriques qui ont mesuré les relations statistiques entre les caractéristiques des individus d'une part, et la propension à donner ou les montants donnés d'autre part. La plupart de ces facteurs sont valables pour tous les niveaux de don, mais certains sont plus spécifiques aux grands donateurs et aux personnes qui créent leur fondation, nous le verrons. Commençons notre portrait-robot. D'après vous, quels sont les quatre principales caractéristiques qui sont positivement reliées aux comportements de dons? La première caractéristique est l'âge. En effet, dans de très nombreux pays, en particulier en Occident, on constate que la propension à donner et le niveau des dons augmentent avec l'âge des individus. Cette relation semble se tasser au-delà d'un certain âge, 65 ou 75 ans selon les études. En France, les personnes âgées ont deux fois plus de probabilité de donner que les quadragénaires et cinq fois plus que les moins de 30 ans. On constate aussi que le don moyen augmente avec l'âge. Parmi les Français qui donnent, le don moyen des seniors est de 60 à 80 % plus élevé que celui de plus jeunes selon les sources. Inversement, les seniors sont sureprésentés parmi les donateurs. Les données fournies par la direction générale des Finances publiques montrent qu'en France, 31 % des donateurs ont 70 ans et plus alors que ceux-ci ne représentent que 19 % de la population française. Seulement 4 % des donateurs ont moins de 30 ans alors qu'ils forment 16 % de la population. Quant aux philanthropes ayant leur propre fondation, leur âge moyen en France est de 61 ans d'après l'Observatoire de la Fondation de France, mais il tend à diminuer car beaucoup d'entrepreneurs créent aujourd'hui leur fondation en parallèle de leur activité. On observe ce même rajeunissement des fondateurs dans la plupart des pays développés, même si la moitié d'entre eux ont généralement plus de 60 ans. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet effet âge. À mesure que l'on vieillit, les revenus et le patrimoine s'accumulent, même si l'âge de la retraite entraîne une baisse significative de revenus pour beaucoup de personnes. Cela dit, même en isolant les différences de revenus, l'effet âge persiste. D'autres explications ont été avancées par des chercheurs. Une fois les besoins de leurs enfants assurés et ceux-ci lancés dans la vie active, les parents ont la possibilité de se consacrer aux autres via le don et le bénévolat. Plus tard, le grand âge et la proximité de la mort donneraient une plus grande urgence au fait de donner, soit de son vivant, soit par legs. Ces deux mécanismes pourraient être renforcés pour les personnes n'ayant pas d'enfants. La deuxième caractéristique du donateur est la richesse, exprimée en termes de revenus annuels ou de patrimoine détenu. C'est une évidence, pour donner de l'argent, il faut d'abord en posséder. En France, les foyers les plus modestes, déclarant moins de 15 000 euros de revenus annuels, sont moins de 4 % à déclarer des dons à l'administration. Les foyers les plus aisés, avec plus de 78 000 euros de revenus annuels, sont donateurs à 45 %. Il s'agit ici de dons déclarés à l'administration fiscale. Lorsqu'on demande aux individus si ils ont donné au moins une fois l'année dernière, la différence entre ménages aisés et pauvres demeure mais elle s'estompe. Aux États-Unis, où le don fait partie de la culture nationale, un tiers des ménages les plus modestes affirment être donateurs contre 70 % des ménages les plus aisés. Autre évidence, les plus riches donnent plus en volume. En France, le don annuel moyen des catégories les plus aisées est environ six fois supérieur à celui des plus modestes, environ 1 200 contre 200 euros pour une moyenne de plus de 400 euros. Toutes les études économiques réalisées aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Angleterre ou au Japon montrent ainsi une relation significative entre les revenus annuels et les montants donnés. Posséder sa résidence principale semble également avoir un impact significatif sur le volume des dons. Pour autant, l'effort philanthropique des riches est-il significatif? Les résultats sont assez surprenants. Plusieurs économistes ont trouvé une courbe en U, suggérant que les plus modestes et les plus riches donnent une plus grande part de leurs revenus annuels que les classes moyennes. On comprend que les riches puissent donner beaucoup une fois leurs besoins de base satisfaits. Mais comment expliquer cet effort de générosité des plus pauvres dont on sait aussi qu'ils sont moins souvent donateurs? Les économistes Russell James et Diana Sharp ont identifié aux États-Unis la présence d'une minorité de super donateurs chez les plus modestes, qui donnent plus de 10 % de leurs revenus et tirent la moyenne vers le haut. En prenant en compte les ultra-riches, on retrouve aussi la présence de quelques super donateurs comme Bill Gates ou Warren Buffet. Sans ces donateurs extraordinairement généreux aux deux extrémités de la société, la courbe redevient plate. En France, on retrouve une légère courbe en U dans les chiffres fournis par la Trésor public. Les foyers les plus pauvres comme les plus riches donnent environ 1,5 % de leurs revenus disponibles après impôts, alors que les catégories intermédiaires donnent 0,8 à 1 % environ. Sans surprise, les plus riches sont surreprésentés parmi les donateurs et apportent une part très importante des dons. Les foyers dont les revenus sont supérieurs à 78 000 euros représentent 1,5 % de la population française, mais 15 % du nombre de donateurs et ils apportent environ un tiers des dons en volume. La crise économique a accentué cette concentration des dons de manière frappante. Depuis 2009, la contribution des plus pauvres, en effectif comme en volume, diminue, alors que celle des plus riches augmente. Je vous propose de passer à la vidéo suivante pour découvrir les deux autres caractéristiques de notre portrait-robot du donateur.