[MUSIQUE] Bonjour. L'objectif de cette leçon est de vous présenter le concept de management de la mobilité, et quelques unes de ses applications. Nous verrons tout d'abord dans quelle mesure cette approche apporte une vision renouvelée dans la gestion de la demande de déplacements, nous y apporterons des éléments de contexte et de définition, puis nous aborderons les différentes stratégies et modes d'action qui sont mobilisés. Enfin, nous aborderons les potentialités et les limites du concept dans la régulation de la mobilité quotidienne. Nous l'avons vu dans les leçons précédentes, les évolutions démographiques et sociétales, les enjeux environnementaux et les ruptures technologiques redéfinissent en permanence les conditions de mobilité et impactent considérablement le marché des déplacements. Aujourd'hui, les acteurs publics sont confrontés aux défis majeurs d'une transition socio-écologique. Ils doivent anticiper les besoins de mobilité de la société de demain, et dans le même temps réduire les externalités négatives liées au système automobile : congestions routières et temps perdu dans les embouteillages, émissions de gaz à effet de serre et autres polluants atmosphériques ayant un impact direct sur la santé publique. Les politiques traditionnelles de transport, fondées sur le développement de l'offre et l'amélioration des infrastructures, atteignent leurs limites. La raréfaction des ressources de financement public freine le développement de l'offre de transports collectifs, qui ne sera pas suffisante à elle seule pour assurer cette transition. Alors, face à ce constat, quelles sont les autres voies de régulation possibles pour assurer au mieux cette transition? Le management de la mobilité s'inscrit dans les stratégies dites de transfert modal. Il renvoie à divers dispositifs, qualifiés souvent de mesures douces, visant à changer les comportements de mobilité des individus. L'objectif est d'optimiser l'usage de l'offre de transports existante. Il s'agit principalement de rationaliser l'usage individuel de la voiture, ce qu'on appelle l'autosolisme, par la promotion de toute forme de mobilité alternative qui soit durable, multimodale ou résiliente. Pour mieux comprendre l'évolution des bases conceptuelles du management de la mobilité, il est utile de faire un petit retour rétrospectif pour reconstituer les conditions d'émergence du concept. Pour cela, il faut remonter aux années 40, durant la deuxième guerre mondiale. C'est aux États-Unis que le concept est né, comme en témoignent ces posters de sensibilisation, qui incitent à la pratique du covoiturage afin de soutenir l'effort de guerre. Ce n'est que plus tard, au début des années 80, que le concept s'est formalisé en Amérique du Nord, sous le terme générique, TDM, Transportation Demand Management. Et plus tard en Europe au début des années 90, sous la bannière du Mobility Management. Aujourd'hui, les objectifs assignés au management de la mobilité évoluent plus vers des préoccupations multiformes, où les enjeux énergétiques et environnementaux sont plus prégnants. Il ne s'agit plus seulement de satisfaire la demande, mais de la réguler, et de la faire évoluer vers des formes plus durables socialement et écologiquement. Les diverses enquêtes de mobilité, qu'elles soient à l'échelle des aires urbaines ou à une échelle plus locale, démontrent qu'il existe des gisements théoriques de transfert modal pour réorienter la demande de déplacement. Ces gisements ont été notamment identifiés dans les trajets de courte distance effectués en voiture solo, qui relèvent du domaine de pertinence des modes actifs, notamment la marche à pied et le vélo, mais aussi ceux plus longs, qui peuvent être reportés par exemple sur le covoiturage, les transports en commun, ou un usage combiné. Il est important que les mobilités alternatives proposées soient adaptées aux populations visées. L'exploration de l'univers de choix modal des individus dans la construction de leur schéma d'activités quotidien est un préalable afin d'identifier les facteurs de changement. Dans cet univers du choix modal, on peut distinguer quatre grandes catégories de facteurs qui viennent influencer le choix du ou des modes de transport. En premier lieu, le contexte et l'environnement socio-économique regroupent les éléments exogènes à l'individu, comme les conditions de transport, et la localisation des activités. Le temps de trajet ou les conditions de stationnement rentrent par exemple dans cette catégorie. En second lieu, les caractéristiques socio-démographiques des personnes, le choix de mobilité d'un actif avec des enfants en bas âge, seront différents de ceux d'un étudiant ou d'un retraité. Par conséquent, les choix de mobilité sont associés au cycle de vie des individus. Une troisième catégorie permet de prendre en compte des déterminants de nature psychosociologique. La personnalité de chaque individu, son adhésion aux normes et règles sociales, vont influencer ses choix comportementaux, et révéler ainsi ses systèmes de valeurs et ses attitudes. Enfin, une dernière catégorie concerne les aptitudes et les ressources mobilisables par chacun, pour mener à bien sa mobilité. Celle-ci regroupe les moyens de transport à disposition, les moyens financiers, le temps disponible, les connaissances et les informations à disposition. En conséquence, les opportunités et les contraintes propres à ces déterminants vont orienter les arbitrages et modeler les habitudes de mobilité, des habitudes de mobilité que les techniques et stratégies relevant du management de la mobilité cherchent à transformer. Ainsi, la diversité et la complexité des comportements de déplacement ouvrent le champ d'action du management de la mobilité à toutes les dimensions du déplacement. Le besoin de se déplacer, le choix du mode de déplacement, du lieu, du trajet ou encore du moment du déplacement centrés principalement sur les usages, les mesures qui sont mobilisées par le management de la mobilité, touchent à la fois à l'information, qui peut être multimodale en temps réel, et dispensée en général par les conseillers en mobilité ou des outils numériques, la sensibilisation des salariés et l'éducation des jeunes publics, l'accompagnement aux changements de comportement, notamment par l'expérimentation de nouveaux services de mobilité, la promotion et la communication sur les offres de transport disponibles, covoiturage, autopartage, télétravail, et enfin l'incitation financière et fiscale, telles que la prime de transport, les mesures tarifaires, le péage urbain. Ces stratégies peuvent être portées par différents acteurs, des acteurs publics, que ce soit au niveau local, par exemple lors de la définition d'un plan de déplacement urbain ou la mise à disposition d'une centrale de mobilité pour informer les usagers ; au niveau régional, comme par exemple la définition d'un schéma régional de l'intermodalité ; ou national, comme la mise en place d'un plan d'actions pour les mobilités des actifs. Ces actions là peuvent être aussi portées par les acteurs économiques, les entreprises et autres établissements générateurs de déplacements, avec par exemple la définition de plans de mobilité. Ces plans de mobilité ont pour objectif de mettre en œuvre un ensemble cohérent d'actions destinées à inciter les salariés à réduire l'utilisation individuelle de la voiture. Il est primordial qu'un référent plan de mobilité soit nommé au sein de l'entreprise. Il sera chargé de sensibiliser les employés de l'entreprise à la démarche, de collecter les données, de participer aux groupes de travail, et d'assurer la communication des actions mises en œuvre. Alors, comment réaliser ce plan de mobilité? La réalisation d'un plan de mobilité se divise en trois étapes. La première étape consiste à élaborer un diagnostic initial qui comporte notamment une analyse des déplacements, domicile-travail et professionnels des salariés, les modes de transport qui sont utilisés, le budget transport de l'entreprise et des collaborateurs, ainsi que l'accessibilité générale du site de l'entreprise. La réalisation du diagnostic nécessite un savoir particulier et une méthodologie rigoureuse, d'où la nécessité de s'appuyer sur un prestataire spécialisé. Différents acteurs institutionnels proposent des aides techniques et financières pour réaliser ce diagnostic. Au regard des conclusions de ce diagnostic initial, une deuxième étape consiste à étudier les mesures réalisables, et valider un plan d'action regroupant un ensemble de mesures cohérentes à mettre en œuvre. Il peut s'agir de solutions de développement de modes de transport alternatifs, ou de solutions organisationnelles destinées à réduire le besoin de déplacements. Une troisième et dernière étape consiste à faire le suivi et l'évaluation des actions mises en œuvre. Cette démarche est capitale pour assurer l'efficacité et vérifier l'adéquation entre les mesures prises et les résultats attendus. Gérer la mobilité, c'est aussi prévoir et donc anticiper par la planification la localisation des ménages et des entreprises, et prévoir aussi de l'offre de stationnement dans les nouveaux aménagements. Consolider et pérenniser les changements de comportements de mobilité signifie agir en profondeur sur l'urbanisme et sur les politiques du stationnement. L'organisation des déplacements et leurs articulations avec le développement urbain constituent donc un levier stratégique pour limiter le recours au mode motorisé individuel, et diminuer les distances parcourues, facteur majeur d'économie d'énergie et de diminution de la pollution locale. Pour illustrer la mise en œuvre du principe de cohérence urbanisme-transport, le modèle du contrat d'axe grenoblois en constitue un bon exemple d'application. Alors l'expression contrat d'axe désigne un engagement réciproque entre deux types de partenaires : d'une part, une autorité organisatrice des mobilités, qui s'engage sur la mise en service d'une ligne de transport nouvelle, d'autre part, les communes desservies qui s'engagent à densifier l'urbanisation le long du corridor, et aménager les accès aux stations. Ce modèle d'aménagement orienté par les transports collectifs est désigné aux États-Unis par le concept du TOD, Transit Oriented Development. La réalisation de la cinquième ligne de tramway grenobloise a été l'occasion de signer en 2011 le premier contrat d'axe en France. Ce contrat précise pour chacune des communes les objectifs de production de logements, mais aussi de maillage et de requalification de l'espace public. Les communes traversées ont bénéficié d'aides financières de l'autorité organisatrice des mobilités, pour la conduite d'études urbaines complémentaires ou pour la réalisation d'aménagements urbains à proximité du tramway. Le management de la mobilité est aujourd'hui une composante essentielle des politiques publiques de déplacement. Néanmoins, il reste encore une approche nouvelle et une pratique récente qui suppose de mieux saisir la diversité des comportements et l'évolution des préférences des individus, afin de faire évoluer tant leur comportement que les comportements des acteurs impliqués. Les actions du management de la mobilité ne vont pas révolutionner à elles seules les comportements. Les changements jusqu'alors observés sont marginaux, car la propension des individus à changer d'habitudes est majoritairement associée aux bénéfices personnels qu'ils pourraient obtenir, souvent perçus à court terme. Si l'offre alternative n'est pas variée et peu performante, l'action du management de la mobilité risque d'être un échec. Le management de la mobilité doit donc coller aux évolutions de l'offre de transport, alternative au tout-voiture, et aux nouvelles attentes des usagers. L'efficacité de l'approche est donc conditionnée à une meilleure orchestration à court terme des différentes mesures incitatives ou restrictives, et à long terme à une articulation systématique des politiques de transport et d'urbanisme. Merci pour votre attention.