Malgré cette tendance à l'ouverture, il est nécessaire de relever que ce processus
n'est pas linéaire, et qu'il est parfois remis en question.
Dès les attentats du 11 septembre 2001,
on a commencé à reparler de renforcement et de re sécurisation des frontières ; et,
plus récemment, avec la crise des migrants,
on a vu l'apparition de nouvelles barrières entre les pays européens.
Concernant la mobilité des marchandises, là aussi on observe de plus en plus
une certaine réticence face au libre échange et à ses impacts,
potentiellement négatifs, sur les économies locales.
Finalement, concernant la libre circulation des personnes,
on observe que la possibilité de se déplacer librement entre les pays
européens dans le but de travailler est de plus en plus vue de manière négative.
A ce sujet le cas du Brexit est particulièrement révélateur puisque
cette question était au cœur des débats.
En Suisse, une telle discussion a également eu lieu,
et elle a débouché sur l'acceptation d'une initiative visant à limiter l'immigration,
et donc la libre circulation des personnes.
En plus de l'immigration classique, cette votation suisse portait également sur
les travailleurs frontaliers dont on va reparler par la suite.
Grâce à l'ouverture des frontières, il est dorénavant possible de traverser
aisément la frontière pour quelques heures, pour la journée,
pour faire des achats ou pour pratiquer des loisirs.
Mais le type de mobilité transfrontalière le plus emblématique,
en Suisse du moins, c'est le travail frontalier.
En effet, comme vous pouvez le voir sur la carte,
plusieurs régions métropolitaines suisses, comme Bâle, Genève ou encore le Tessin,
accueillent plusieurs dizaines de milliers de travailleurs frontaliers,
qui habitent en France, en Allemagne ou en Italie,
et qui traversent la frontière chaque jour pour venir travailler en Suisse.
De part leur importance quantitative,
les mobilités transfrontalières peuvent avoir des impacts sur les
populations et sur les territoires, de chaque côté de la frontière.
Il s'agit d'impacts économiques, comme une pression sur le marché du logement et
des prix à la hausse dans les régions frontalières limitrophes à la Suisse,
en raison entre autres de la croissance démographique de ces régions
en lien avec la possibilité de profiter du dynamisme de l'économie suisse,
et en raison des salaires plus élevés que les frontaliers perçoivent, en général.
Dans la population suisse, on va davantage parler de la pression sur les emplois,
et les salaires, exercée par la main d'œuvre frontalière,
même si les études scientifiques à ce sujet montrent plutôt qu'il n'y a pas,
ou très peu, d'effets négatifs du travail frontalier.
Il s'agit aussi d'impacts environnementaux,
avec un fort étalement urbain, dans les régions limitrophes à la Suisse, et donc,
un fort recours à la voiture notamment lors des déplacements transfrontaliers.
Ces différents impacts contribuent à rendre la situation tendue
dans certaines régions.
On voit, par exemple,
se développer un sentiment antifrontalier, notamment au Tessin, ou à Genève,
qui s'est traduit par l'apparition de partis populistes antifrontaliers.
L'un des principaux problèmes, quand on veut travailler sur les régions
transfrontalières, est le manque de données à l'échelle transfrontalière.
C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles les régions transfrontalières
sont peu, ou mal, prises en compte dans les politiques nationales.
En effet, de par leur nature à cheval entre deux pays,
les mobilités transfrontalières et les enjeux propres à ces régions
échappent en grande partie aux enquêtes ou aux relevés statistiques classiques,
qui se limitent en général à l'échelle nationale,
comme ceux que Vincent Kaufmann vous a présentés dans une autre vidéo de ce MOOC.
Pour pallier ce manque de données, j'ai mis en place, dans le cadre de ma thèse de
doctorat, une enquête ad hoc combinant questionnaires et entretiens qui
avait pour but de déterminer l'influence de la frontière nationale sur la vie
quotidienne et la mobilité des habitants des agglomérations transfrontalières.