[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous accueillons aujourd'hui Nicolas de Jenlis qui est senior manager au département développement durable de Deloitte. On va évoquer l'innovation dans le cadre du reporting RSE. Alors, le reporting RSE, c'est déjà un exercice relativement nouveau. Est-ce qu'il y a de l'innovation dans l'innovation? >> Bien sûr qu'il y a de l'innovation dans le reporting RSE, dans son fond et dans sa forme. Mais ça change beaucoup. >> Alors sur le fond? >> Sur le fond, ça a commencé historiquement, le reporting RSE, vous devez le savoir par un exercice très réglementaire. Il s'agissait de produire de la donnée parce que le régulateur le demandait. Ou alors sur d'autres sujets sur des entreprises hyper exposées. C'était des métriques de sécurité, des choses comme ça. Et de plus en plus, on utilise les données RSE pour montrer la création de valeur que ça apporte dans le business. Donc ça, c'est clairement l'innovation. C'est les data et dans quelle mesure les data RSE, c'est-à -dire non financières contribuent à montrer la création de valeur, c'est-à -dire les datas financières. >> Si on donne un exemple d'une data non financière qui >> On prend un bon vieux thème qui existe depuis la nuit des temps, qui est celui de la formation. Toutes les boîtes ont toujours formé tout le monde. On sait que la formation, c'est le capital humain. Aucun CEO dira que c'est un truc qui ne compte pas et dont on se fiche. En revanche, la question est de savoir qu'est-ce qu'il faut mettre comme effort de capital humain, c'est-à -dire quel effort de formation, le nombre d'heures de formation. Pour faire simple, pour avoir un personnel productif. Et ça, ça se traduit en masse salariale, en compte de résultats, en gain de clients et compagnie. Ça, c'est une question qu'on ne s'est jamais trop posée et que le reporting RSE met sur la table. Parce que maintenant qu'on publie des indicateurs, nombre d'heures de formation, nombre d'employés formés, etc., on se pose la question de savoir dans quelle mesure ça contribue au résultat, au chiffre d'affaires, et tout le bazar. Et ça, c'est un truc assez nouveau. >> Et alors, si on poursuit cet exemple, est-ce qu'il y a des exemples d'entreprises que vous connaîtriez, qui à partir de ces premiers travaux d'identification et d'une certaine façon de mise en évidence de la donnée ont pu en tirer des conclusions, et quelles conclusions elles en ont tirées de façon concrète? >> On n'est clairement pas au stade des conclusions. On est au stade des pilotes et du travail. Il y a un concept qui s'appelle le reporting intégré que vous devez connaître, ça reste au stade de pilote. La notion, c'est vraiment de réfléchir de manière intégrée, intégrée tout bêtement entre l'extra-financier et le financier, comment ces deux choses-là se lient. Ça ne veut pas dire autre chose que ça, le reporting intégré. Donc, certaines boîtes commencent à faire l'exercice, mais c'est vraiment dans une logique expérimentale. Il y a des liens de corrélation qui sont connus depuis la nuit des temps entre les indicateurs non financiers et financiers. Néanmoins, la compréhension globale de toutes ces corrélations et ces liens, c'est quelque chose de très nouveau et de très complexe. >> Si on poursuit la réflexion, quels seraient les ressorts >> qui pousseraient une entreprise à innover dans le domaine de la RSE, dans le domaine du reporting RSE? >> Il y a un ressort extrinsèque qui est clair. C'est une pression, on va l'appeler de l'environnement des parties prenantes dans son ensemble pour fournir plus d'informations et plus de transparence. Donc, ça ne va pas forcément dans le sens de l'innovation, mais ça va dans le sens de donner plus au marché. Et ça, c'est un truc structurel, enfin vous devez l'observer, qui est clair. Voilà , plus de transparence. C'est un premier ressort intrinsèque. Et il y en a un deuxième qui est plutôt intrinsèque. En produisant toutes ces données de manière un peu mécanique et de temps en temps basique pendant toutes ces années, les sociétés se sont rendu compte qu'elles pouvaient faire des liens, du type que j'évoquais chez SAP ou d'autres entre les données extra-financières et financières, et que ça devenait quelque chose de porteur de sens pour le projet de boîte en tant que tel. Et donc là , c'est plutôt, on va dire, le deuxième facteur de motivation. Il y a la pression et puis il y a la motivation intrinsèque. C'est-à -dire qu'on se rend compte que poser sur la table le sujet de comment tous les sujets extra-financiers, le bonheur des salariés, le respect de l'environnement, toutes ces choses-là contribuent en tant que boîte à l'adhésion des salariés, à nos résultats, etc., etc., ça contribue au projet d'entreprise. Et celles qui ont initié la démarche, elles vous diront qu'elles continuent de la poursuivre plutôt pour la deuxième raison que pour la première, même si c'est plutôt la première qui a initié la réflexion. >> Vous avez évoqué la question du reporting intégré. On sait qu'il y a des organismes internationaux qui sont très actifs dans ce domaine. Est-ce que vous pouvez nous faire un petit point de l'état de la réflexion de l'IRC par exemple ou d'autres organismes avec lesquels vous coopérez, vous, chez Deloitte? >> L'IRC a effectivement conçu ce cadre conceptuel il y a quelques années, qu'ils ont, on va dire, mis sur le marché. Ils ont volontairement laissé les organisations s'en emparer. On est toujours dans cette phase où les organisations s'en emparent et découvrent. Il y a plusieurs boîtes qui font du reporting intégré. Vous avez GDF Suez qui est un exemple très connu, mais il y en a d'autres qui le font sans le dire. Saint-Gobain, dans son document de référence, si vous regardez, il y a clairement une réflexion intégrée sans que ce soit mentionné comme tel. Axa dans son rapport annuel de la même manière. Donc, on est toujours dans l'expérimentation avec, on va dire, deux écoles. Une école, on va dire, réflexion intégrée. Ce qui importe, ce n'est pas la communication, mais c'est tout ce qu'on a mis en place en interne pour comprendre ces corrélations, faire travailler les gens ensemble et compagnie, et une autre école qui voit le reporting intégré davantage comme une opportunité pour montrer l'entreprise comme une machine de création de valeur, on va dire inclusive. Inclusive des salariés, des parties prenantes, etc., etc. Donc on est toujours clairement dans cette phase pilote, et je disais, l'IRC, c'est le cadre conceptuel, mais pas que. Il y a de la réglementation au UK par exemple. Au UK, les boîtes cotées doivent produire ce qu'on appelle les strategic report. Ça n'est ni plus ni moins que du reporting intégré. >> Comment on va passer de cette phase de pilote, d'expérimentation à une phase de généralisation, on va dire >> un passage à l'échelle du reporting intégré? >> Si on regarde en arrière, pas archéologiquement, mais historiquement, il y a de bonnes chances que ce soient le normatif et le réglementaire qui finissent par sonner la cloche et qui mettent tout le monde dans la même direction pour qu'on aboutisse. >> Et en amont du normatif et du réglementaire qui est souvent le résultat aussi d'une forme de pression >> des différents acteurs, quels seraient le ou les deux principaux ressorts qui conduiraient une entreprise à passer du pilote à une démarche complètement institutionnalisée dans l'organisation? >> J'en vois une, mais qui est une conviction personnelle, qui est la pression de l'actionnaire. Parce qu'on a évoqué les parties prenantes externes, on a évoqué l'intrinsèque, on va dire le management. L'actionnaire a le pouvoir de faire changer ça. Si l'actionnaire ou l'investisseur, l'actionnaire potentiel, demande de l'information sur ça, et est capable de prendre sa décision d'investissement sur les émissions de CO2 par exemple de l'entreprise, elles le font. Celles qui ont besoin de capitaux le font. Celles qui n'en ont pas besoin, elles s'en ficheront, c'est normal. mais de toute façon, tout le monde a besoin de capital à un moment donné. C'est la vertu du truc, celles qui ont besoin de capitaux s'aligneront, et les actionnaires, parce que leur capital est mobile, un portefeuille d'actifs, un gros gestionnaire d'actifs, ça fait tourner son portefeuille tous les trois mois. Donc, ils vont aller demander de l'information pas à deux trois boîtes, mais à tout le monde. >> Est-ce qu'on peut en tirer comme conclusion que le mouvement d'impact investing, qui est donc cette forme d'investissement qui cherche à la fois le rendement économique et puis le retour social deviendra ce qu'on appellerait le mainstream aujourd'hui? >> Avant que ça devienne le mainstream mêlant l'intégration de >> ce qu'on appelle les critères ESG, environnementaux, sociaux et de gouvernance, c'est-à -dire qu'avant d'aller chercher de l'impact positif, il faut à minima essayer d'éviter l'impact négatif. Et on n'en est pas encore là . La question, il y a un schéma mondial qui s'appelle, les principes pour l'investissement responsable, qui dépendait des Nations unies, maintenant qui vole de ses propres ailes, la logique de ces principes pour l'investissement responsable, c'est l'atténuation des impacts négatifs. Ça représente aujourd'hui, ça doit être 60 000 milliards d'actifs gérés signataires de ces principes-là , donc qui cherchent à atténuer les impacts négatifs. Donc, c'est la première phase, et une fois que ça, ce sera géré, les acteurs commenceront à aller chercher de l'impact positif. Donc, aujourd'hui, l'impact positif que vous évoquez, c'est souvent des fonds d'investissement, on va dire de taille raisonnable. Si vous prenez Axa, ils ont un fonds d'impact positif de 15 millions d'euros alors qu'ils gèrent 1 000 milliards. Donc, c'est de l'expérimental. Mais ce qu'il y a d'intéressant avec cet expérimental, et on revient au sujet du reporting, c'est qu'on va aller chercher comment prouver cet impact. Parce que si on veut avoir de l'impact positif, il va bien falloir montrer qu'il est positif, cet impact. Et alors, on retouche un sujet de reporting, un sujet d'innovation intéressant qui est la communication sur les impacts, qui est un sujet qui a été consommé par les banques de développement depuis 30 ans, mais qui est tout nouveau pour les établissements commerciaux et privés. [MUSIQUE] [MUSIQUE]