Bonjour et bienvenue à ce dernier module concernant les technologies de traitement. Après avoir passé en revue les technologies pouvant traiter les eaux usées et les effluents, nous allons maintenant nous attaquer à un sujet très important mais souvent négligé : les boues. Les boues sous toutes leurs formes et appellations. Les boues de vidange, les boues de fosse septique, les boues secondaires. Un seul produit : les boues. Le terme "boue" peut désigner un produit très variable. Elles peuvent être fraîches, vieilles, stabilisées, non stabilisées, épaisses, diluées, brunes, noires. Ce qui est certain est que ce produit est bien plus concentré que les eaux usées. Considérons par exemple les boues de vidange, c'est-à -dire les boues provenant de technologies d'assainissement autonomes, comme les fosses simples ou les fosses septiques. Les facteurs influençant les caractéristiques des boues de vidange sont: les technologies de vidange des fosses et leur usage, la qualité des fosses, l'intrusion d'eau de la nappe phréatique, la température, les substances mélangées aux boues de vidange (comme les graisses, les déchets de cuisine ou les déchets solides) et bien sûr, la durée de stockage des boues qui peut être de l'ordre de quelques mois à quelques années. Ces caractéristiques ont des conséquences pratiques sur le traitement. Par exemple, les boues riches en matière organique et n'ayant pas subi de dégradation significative sont difficiles à déshydrater. A l'inverse, les boues ayant subi une dégradation anaérobie importante, comme dans le cas des fosses septiques ou les RACs - autrement dit, qui sont stabilisées - sont plus faciles à sécher. Tous ces facteurs influencent les caractéristiques des boues de vidange. Les boues de vidange sont un matériau très variable. Par conséquent, le système de gestion de ces boues doit être conçu au cas par cas. Les quatre principales fonctions de traitement des boues sont : la séparation des solides et des liquides la stabilisation, la déshydratation ou le séchage et la réduction des pathogènes. Il est important de définir au préalable l'usage final ou l'option de mise en décharge des boues et de sélectionner le niveau de traitement correspondant. Les boues ne seront pas traitées de la même manière si elles doivent être utilisées dans l'agriculture ou dans une usine de ciment. De potentiels usages finaux sont par exemple: l'utilisation de boues séchées comme fertilisants, leur utilisation comme combustible, ou la production de biogaz. Les différentes technologies de traitement peuvent maintenant être classées selon les quatre fonctions que je viens de mentionner : la séparation des solides et des liquides, la stabilisation, la déshydratation ou le séchage, et la réduction des pathogènes. Les technologies en jaune foncé sont celles qui sont communément appliquées au traitement des boues de vidange des pays à bas et moyen revenu, et qui seront présentées dans ce cours, ou pour certaines, qui ont déjà été introduites dans le module 3.2. Les technologies en jaune pâle, quant à elles, sont principalement utilisées dans les pays occidentaux comme le "filtre-presse" ou sont en cours d'essai dans les pays en voie de développement, comme le "pelletiser". Veuillez noter que certaines technologies peuvent remplir deux fonctions, comme le "décanteur-digesteur" ou les "lits de séchage plantés". Commençons avec les "bassins de sédimentation et d'épaississement" dont la fonction est la séparation des liquides et des solides. De tels bassins permettent l'épaississement des boues. Alors que les boues se décantent et sont digérées, le surnageant doit être décanté et traité séparément. Une fois épaissies, les boues peuvent ensuite être séchées ou compostées. Deux fosses installées parallèlement sont requises, de sorte à ce que l'une puisse fonctionner pendant que l'autre est vidangée. Pour atteindre un rendement maximum, les périodes de chargement et de repos ne devraient pas dépasser quatre à cinq semaines. Le principal désavantage est que les boues épaissies doivent être vidangées par un engin à chargement frontal. Cette technologie est relativement bon marché mais requiert un espace suffisament grand, situé si possible loin de toute habitation car elle génère des odeurs et la présence de mouches. A présent, passons à la technologie de traitement des boues la plus répandue : le "lit de séchage non planté". Le fond d'un lit de séchage est traversé par des tuyaux perforés afin de drainer le lixiviat. Au-dessus des tuyaux, des couches de gravier et de sable supportent les boues. La couche inférieure doit être composée de gravier grossier, et la couche supérieure de sable fin. Ainsi, la partie liquide des boues peut à la fois s'infiltrer et s'évaporer. Les boues, cependant, ne sont pas efficacement stabilisées et leur teneur en pathogènes est toujours élevée. Selon leur utilisation finale, par exemple comme fertilisant, les boues doivent être stockées et traitées davantage. Les boues séchées peuvent ensuite être retirées après 10 à 15 jours, selon les conditions climatiques. Après les lits de séchage non plantés, passons aux "lits de séchage plantés", qui sont bien plus efficaces pour réduire la quantité de pathogènes. Le principal avantage des lits de séchage plantés par rapport aux lits de séchage non plantés est qu'ils n'ont pas besoin d'être vidangés après chaque cycle de remplissage et de séchage. Les plantes et leur système de racines préservent la porosité du filtre. Ainsi les boues peuvent être ajoutées en couches, ce qui implique aussi un temps de rétention plus long. Ainsi, cette technologie apporte une meilleure stabilisation des boues, qui sont partiellement transformées en humus. L'apparence du lit est similaire à celle des filtres plantés verticaux, étudiés au module précédent. Le filtrat s'écoule au travers du filtre puis est collecté par un système de drainage. Des tuyaux de ventilation connectés au système de drainage contribuent au maintien des conditions aérobies dans le filtre. Lors de la construction du lit, un espace d'environ 1 mètre au-dessus de la couche de sable doit être préservé pour l'accumulation des boues pendant environ trois à cinq années. Les boues doivent être appliquées en couches de 75 à 100mm d'épaisseur, tous les 3 à 7 jours. Evidemment, la présence de plantes est cruciale dans le système de lits de séchage plantés. Les phases initiales et d'acclimatation sont très importantes, et requièrent une attention toute particulière. Pour finir, jetons un coup d'oeil au "co-compostage". Le co-compostage ressemble au compostage, mais ne vise pas uniquement les déchets organiques. Ici, les boues sont ajoutées à des déchets organiques solides. Le compostage est la dégradation aérobie de la matière organique. Il peut être réalisé de deux manières: en plein air, ou dans des conteneurs. Dans le compostage en plein air, figurant sur cette image, les matériaux mélangés sont empilés en tas que l'on appelle "andains", que l'on laisse se décomposer. Les piles sont périodiquement retournées pour assurer un apport en oxygène adéquat et un traitement homogène. Pour déshydrater les boues, un ratio boues/déchets solides de 1:2 à 1:3 devrait être maintenu. Le concept de compost est simple, mais le mélange doit être conçu avec soin pour assurer un ratio de carbone et d'azote, un taux d'humidité et une teneur en oxygène appropriés. Le co-compostage fait appel à beaucoup de main d'oeuvre, et n'est donc raisonnable que lorsque la demande en produit de la part de consommateurs disposés à payer est significative. Pour résumer, nous avons vu que les boues sont un matériau grandement variable et concentré. Avant de construire un centre de traitement des boues, il est nécessaire de réaliser une évaluation de la situation initiale à l'échelle de la ville et d'estimer les caractéristiques et les quantités de boues à traiter. Ceci peut fortement influencer le choix de technologies. Par exemple, les boues provenant de toilettes publiques doivent être digérées et stabilisées, avec la possibilité de produire du biogaz. Par contre, les boues provenant de fosses septiques sont déjà digérées et généralement prêtes pour être déshydratées ou séchées. La gestion des boues de vidange exige une approche intégrée de planification. Elle est plus complexe que les systèmes conventionnels où un réseau d'égouts apporte les eaux usées à la station d'épuration. Pour la gestion des boues de vidange, de nombreux acteurs sont impliqués, en commençant par les prestataires de services manuels et mécaniques, comme discuté dans le module 2.8. Pour que les boues de vidange atteignent les stations de traitement, de nouveaux plans de gestion et de financement sont souvent à mettre en place, des accords sont à conclure, et parfois même de nouvelles politiques sont à rédiger. Pensez-y. Pour en apprendre davantage sur les différentes technologies de traitement des boues, et sur la planification et gestion de celles-ci, nous vous recommandons de vous référer au livre "Gestion des Boues de Vidange" (FSM) d'Eawag-Sandec, téléchargeable gratuitement à l'aide du lien ci-contre. Enfin, n'oubliez pas que les systèmes d'assainissement ne s'arrêtent pas à la station de traitement. Une station de traitement génère elle-même des produits devant être mis en décharge, ou dans le meilleur des cas, réutilisés. Comment faire ceci? C'est ce que vous allez découvrir dans la prochaine série de modules, présentée par Lukas Ulrich. Bien du plaisir!