[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Comme présenté par Christophe, dans cette partie A nous discuterons d'un cas où il n'y avait aucune contestation sur la source de la trace. Le point sur lequel l'accusation et la défense sont en désaccord concerne les activités qui ont abouti à ces traces. Cette vidéo vous aidera à comprendre le concept de hiérarchie des propositions, distinguer les niveaux dans la hiérarchie des propositions, reconnaître quand les experts forensiques doivent traiter leur cas au niveau de ce que l'on appelle les activités plutôt qu'au niveau de la source, comprendre les directives de l'ENFSI qui est le European Network of Forensic Science Institute, sur cet aspect particulier, et enfin, savoir déterminer quelles sont les données nécessaires. >> Dans cette partie, nous allons spécifiquement discuter du cas Weller. Il s'agit d'un cas où de l'ADN a été retrouvé sur les ongles de monsieur Weller. Franco nous présentera un concept très important, celui de la hiérarchie des propositions. Dans une interview avec Graham Jackson et Iann Evett, nous reviendrons sur ce concept. Ils nous raconteront comment cette idée est née et pourquoi la hiérarchie des propositions est si importante. >> Avant d'entrer dans le vif du sujet, voyons ce que dit la directive ENFSI pour aider à déterminer quand on devrait considérer non seulement la source, mais les activités alléguées. Sur ce sujet, notons qu'il est explicitement recommandé la chose suivante. Lorsque des phénomènes comme le transfert secondaire ou tertiaire, la contamination ou la présence fortuite d'un tel matériel dans l'environnement influence l'évaluation des résultats, les propositions au niveau de l'activité doivent être considérées. C'est typiquement le cas pour les microtraces telles que les fibres, le verre, résidus de tir, les traces d'ADN ou encore les traces de drogues ou d'explosifs. Nous appliquerons ces directives à tous les cas traités durant cette semaine. Mais avant d'approfondir ces cas, étudions avec Franco le concept de hiérarchie des propositions. >> J'aimerais discuter avec vous de trois notions fondamentales. D'abord de ce que l'on nomme la notion de question d'intérêt. Il s'agit d'identifier la problématique essentielle qui intéresse le tribunal, puis de voir dans quelle mesure la science forensique peut aider à la résoudre. Deuxièmement, nous discuterons ensuite des propositions qui devront être en adéquation avec les besoins du tribunal. Puis, en troisième point, je vous exposerai la classification connue dans notre jargon spécifique sous le nom de hiérarchie des propositions. Ces notions sont bien sûr toutes les trois liées. Être en mesure de reconnaître la question d'intérêt dans une affaire donnée nous aidera à déterminer s'il peut s'avérer erroné de considérer uniquement des questions concernant la source du matériel retrouvé. Commençons par vous présenter le point fondamental qui va diriger nos comportements. Afin de choisir les méthodes, le scientifique doit comprendre les besoins du mandant donc de la partie qui le mandate pour le travail d'expertise et donc les aspects clés qui entourent le cas d'intérêt. Par conséquent, nous avons besoin d'une formation. Cela n'aurait pas de sens que la partie qui représente le mandant dise, regardez, ici, il y a des traces à collecter. Jetez un coup d'oeil, analysez-les, et après dites-nous ce que vous avez observé. Cette attitude est uniquement justifiée, si jamais, dans une procédure investigative, mais elle est à bannir dans un contexte évaluatif. Mais retournons à notre question d'intérêt. Quels sont les aspects clés dans une affaire qui doivent retenir toute notre attention? Les aspects clés ou la problématique essentielle, key issues en anglais, représentent les aspects d'une affaire sur lesquels la Cour, dans un contexte judiciaire bien particulier, cherche à aboutir à un jugement avec bien entendu, le soutien d'un scientifique dans sa démarche. Dans la recommandation de l'ENFSI, comme présenté précédemment par Alex, vous trouverez une discussion à ce propos. Mais permettez-moi de prendre des exemples. Commençons par celui d'une affaire que nous étudierons par la suite, l'affaire Dreyfus. L'aspect clé, la question d'intérêt ou la problématique principale pour la Cour dans cette affaire est de savoir si monsieur Dreyfus a écrit le document, plus exactement le document nommé le bordereau, ou si c'est une autre personne inconnue qui a écrit le document contesté. Sous cette alternative, monsieur Dreyfus n'aurait aucun lien avec cette affaire. Ici, la question d'intérêt concerne donc la source du document contesté, qui a écrit le bordereau? Prenons un autre exemple, cette fois dans le domaine de la preuve génétique par l'ADN. Nous étudierons ce cas de façon détaillée dans la partie B de cette semaine, il s'agit de l'affaire Butler. Dans cette affaire, la question d'intérêt pour le tribunal et pour laquelle la science forensique peut amener des éléments utiles était de savoir si monsieur Butler est la personne qui a agressé et tué la victime, ou si monsieur Butler n'était pas impliqué dans ce meurtre. Ici, on constate donc que ce n'est plus seulement la source de la trace qui est importante mais aussi les activités ayant pu mener à la découverte de ces traces. Les aspects clés jouent un rôle fondamental dans la séparation des rôles des acteurs du système de justice. Comme vous le savez, les scientifiques ne répondent pas à des questions sur les aspects clés. Ils n'expriment pas d'opinions sur ces aspects. Mais les scientifiques peuvent et doivent aider le système de justice à approcher de manière adéquate ces aspects clés, et ainsi les aider à résoudre la problématique identifiée. Une fois qu'on a identifié les aspects clés sur lesquels la science forensique peut amener des éléments et aussi aider le système judiciaire, on devra s'attarder sur la formulation des propositions. On appelle propositions des affirmations claires qui spécifient de manière appropriée les aspects clés pour chacune des parties. Comme vous vous le rappelez sans doute, les propositions peuvent être soit vraies, soit fausses. La défense et l'accusation doivent proposer des propositions différentes et mutuellement exclusives, c'est-à -dire que l'une ou l'autre est vraie, mais qu'elles ne peuvent pas être vraies en même temps toutes les deux. Vous trouverez de plus amples informations sur les propositions dans les recommandations du guide de l'ENFSI et dans les références bibliographiques mises à disposition sur la plateforme de ce cours. Explorons maintenant ensemble des exemples de propositions. Un exemple répondant à des questions quant à la source de l'ADN pourrait être par exemple, l'ADN détecté provient du suspect, proposition de l'accusation ; et l'ADN détecté provient d'une personne inconnue, proposition faite habituellement par la défense. Un autre exemple cette fois répondant à la question de la source de la trace, pourrait être, la trace de sang provient du suspect, et, la trace de sang provient d'une personne inconnue comme alternative. Un troisième type de proposition pourrait être, le suspect a donné des coups de pieds dans la tête de la victime, le suspect a seulement assisté à la scène de loin. Comme dernier exemple, on peut encore imaginer le couple de propositions suivantes, le suspect est l'agresseur et le suspect n'est nullement mis en cause. Dans ce cours et dans le guide de l'ENFSI, vous allez étudier le concept de hiérarchie des propositions. Ceci a été le sujet d'un projet de grande envergure mené au sein du Forensic Science Service en Angleterre, le Case Assessment Initiative ou CAI. Nous aurons le plaisir d'écouter des membres de ce team, nos amis le docteur Ian Evett et le professeur Graham Jackson qui nous expliqueront la genèse de ce projet lors d'une interview. Mais laissez-moi vous présenter plus en détail cette hiérarchie. Le concept de hiérarchie des propositions est une notion essentielle qui nous aide à focaliser ou au mieux à nous focaliser sur les aspects clés, c'est-à -dire les questions qui sont fondamentales pour le tribunal. La hiérarchie des propositions nous aide également à identifier les facteurs importants pour l'étape évaluative des indices. On peut la considérer comme un outil qui nous aide à structurer nos pensées et à nous faire réfléchir sur les propositions qui sont les plus utiles pour le tribunal. On peut ainsi identifier comment amener la meilleure valeur ajoutée et quelles observations nous devons évaluer. Tout ceci peut paraître trivial, mais je vous garantis que ce n'est pas le cas. Il est par conséquent crucial de focaliser toute notre attention sur la formulation des propositions. Pour nous y aider, les chercheurs ont défini quatre niveaux dans cette hiérarchie. Le niveau du crime, le niveau de l'activité, celui de la source et enfin celui dit en quatrième de la sous-source. Le sommet de la hiérarchie est représenté par le niveau du crime. Un exemple que nous avons vu ensemble pourrait être par exemple, le suspect est l'agresseur et en tant qu'hypothèse alternative, le suspect n'est nullement mis en cause et impliqué dans cette agression. Le niveau juste en-dessous, comme on peut le voir sur l'image, est celui de l'activité. Un exemple de proposition à ce niveau serait par exemple, le suspect a donné des coups de pied dans la tête de la victime, et en alternative, le suspect a seulement assisté à la scène de loin. Ensuite, nous avons le niveau dit de la source. Par exemple, la trace de sang provient du suspect, et la défense qui expose sa thèse que la trace de sang provient d'une personne inconnue. Ici, vous l'aurez remarqué, on parle de source de la trace, et non de l'action commise qui expliquerait sa présence sur le lieu. Ici, le niveau permet aux scientifiques de mesurer le lien entre la trace et sa source potentielle. Au niveau de l'activité, par contre, on s'intéresse au lien entre une personne et une action, lien soupçonné au travers de l'indice retrouvé. Enfin, comme mis en évidence par notre petit sous-marin qui apparaît ici dans cette image, il y a le niveau appelé de sous-source. Ceci est d'intérêt quand on est appelé à évaluer la source de l'ADN. Attention, on ne parle pas ici d'une substance bien définie comme du sang, du sperme et donc d'une trace bien visible, on parle d'ADN détecté. Un exemple typique serait, l'ADN provient de monsieur Dupont ou l'ADN provient d'une personne inconnue. Plus on monte dans notre hiérarchie, c'est-à -dire si on va de la sous-source au niveau du crime, et plus il faut de connaissances. Mais plus on monte et plus on ajoute de la valeur, et plus on sera utile à la Cour. Maintenant, vous savez que les propositions peuvent être classifiées en quatre niveaux, crime, activité, source et sous-source. Afin de savoir comment les scientifiques forensiciens pourraient aider le système judiciaire, nous avons besoin de collecter les informations qui nous permettent d'identifier les aspects clés de l'affaire. On peut ensuite aider à formuler les propositions et à évaluer les résultats en connaissant les propositions qui caractérisent la position des parties au procès. La trace, et tout particulièrement sa quantité, sera également utile afin d'identifier le niveau d'intérêt. Le plus souvent, le niveau d'intérêt pour les scientifiques dans un contexte d'une affaire est celui de l'activité. Afin d'identifier le niveau de proposition à considérer, on doit penser à l'impact que peuvent avoir les phénomènes tels que les transferts primaires, secondaires, voire même tertiaires, la pollution ou encore la présence fortuite de ce matériel dans l'environnement. Il faut s'assurer dans le contexte du cas si ces facteurs peuvent affecter la signification des résultats. Savoir comment aider au mieux le système judiciaire est essentiel mais pas toujours trivial. C'est pour cette raison qu'on trouve spécifiquement une note à ce sujet, comme Alex vous l'a mentionné. Le guide de l'ENFSI souligne également que le niveau dit de la source est adéquat dans des affaires dans lesquelles il n'y a pas de risque que la Cour puisse le considérer au niveau et place de celui de l'activité. En réalité, ce risque est toujours là . Il faut être extrêmement attentif. Mais si par exemple une grande quantité de sang est retrouvée sur les lieux, et si l'ADN provient d'une seule source et qu'il ne s'agit pas d'un mélange de plusieurs donneurs, alors il pourrait être acceptable que le résultat soit exprimé en utilisant des propositions au niveau de la source. En effet, imaginons qu'une grande flaque de sang frais soit retrouvée au point d'entrée sur une scène de cambriolage, et que ce prélèvement soit par la suite analysé par le laboratoire. La combinaison entre les résultats des tests préliminaires sur la nature du fluide biologique et son allure permettra aux scientifiques et au tribunal de se prononcer raisonnablement sur le fait que le liquide est du sang. Si le suspect affirme qu'il n'a jamais mis les pieds sur cette scène du crime, le couple de propositions qui peut raisonnablement être exprimé est d'une part, la trace de sang provient du suspect, et d'autre part, la trace de sang provient d'une autre personne inconnue. Des recommandations de l'ENFSI affirment qu'exprimer un résultat analytique en fonction de propositions au niveau de la source est adéquat dans ce cas particulier uniquement, car il n'est pas nécessaire d'avoir des connaissances d'expert afin d'interpréter les résultats au niveau supérieur de l'activité. Mais pourquoi? Car les phénomènes de transfert et de persistance ne représentent pas des facteurs fondamentaux dans cette affaire étant donné la grande quantité de sang retrouvée. Il n'y a en effet aucun risque que le rapport d'expertise évaluatif soit mal interprété par la Cour. L'information au niveau de la source permet de gérer celle au niveau de l'activité. Et qu'en est-il de ce couteau retrouvé sur la scène du meurtre avec une victime poignardée, un suspect et le manche de ce couteau caractérisé par une faible quantité d'ADN? Les propositions au niveau de l'activité jouent un rôle primorial dans ce contexte. Mais que faire si on a des connaissances limitées sur le phénomène de transfert sur le manche du couteau? Que faire si on n'a pas assez de données pour se prononcer sur les probabilités qui leur sont associées? Peut-on revenir à une évaluation au niveau inférieur, donc l'observation sous des propositions dites de la source ou de la sous-source? Non, non, je ne pense pas. Ceci n'est pas judicieux. Dans ce cas particulier, nous devons soit effectuer des recherches scientifiques sur le phénomène de transfert et de la persistance, ou en toute honnêteté, on doit signaler qu'on ne peut pas quantifier la valeur probante de nos résultats. Par conséquent, nous devons avoir une attitude prudente et clairement affirmer que les résultats ne sont pas utiles car non interprétables. En conclusion, il est utile de clairement identifier la question d'intérêt pour le tribunal et d'exprimer les aspects clés ainsi que les propositions qui en découlent. Ceci rend le travail des scientifiques utile et justifié. Les propositions au niveau de la source peuvent être adéquates quand elles laissent transparaître de manière claire une activité. Quand par contre des considérations sur le phénomène de transfert et sur la présence fortuite de matériel, comme celui de la trace, entrent en ligne de compte, alors des propositions au niveau de l'activité doivent forcément être considérées. Évaluer les observations faites dans ce cas au niveau de la source signifie laisser le devoir de quantifier des facteurs influents, transferts par exemple, à des non scientifiques, sans des directives appropriées. Le devoir de tout scientifique en science forensique est de garder à l'esprit ces aspects et de travailler selon ces guides. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]