[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Maintenant que vous savez tout sur la hiérarchie des propositions et sur l'importance des activités, étudions ensemble le cas Weller. Les circonstances sont les suivantes. Emma, la plaignante, alors âgée de 16 ans, se rend à une fête avec une amie. La fête a lieu dans une maison où habitent également deux personnes plus âgées, monsieur Weller et son amie. Emma connaît monsieur Weller. Elle déclarera par la suite qu'il lui avait dit être attiré par elle. Emma boit beaucoup durant la fête. Vers dix heures, l'amie avec qui elle était venue décide de partir. Emma, quant à elle, ne part pas ; elle a clairement trop bu, et vomit dans la salle de bain. On essaie de contacter sa mère, sans succès. Emma passe donc la nuit à la maison où habitent monsieur Weller et son amie. Monsieur Weller l'amène dans la chambre et lui propose son aide. Il vient la voir plusieurs fois pendant la nuit et lui amène un seau, au cas où elle vomirait. C'est ensuite que la version des deux parties diffère. Excusez-moi pour les détails que je m'apprête à donner, puisqu'il s'agit d'un cas de possible agression sexuelle. Selon Emma, monsieur Weller est en effet venu pour l'aider, mais il a ensuite commencé à caresser son corps, sa poitrine et ses jambes. Il a ensuite inséré son doigt dans son vagin, ce qui était très douloureux. Emma était si choquée qu'elle n'a rien dit, rien fait. Après un moment, alors qu'elle était seule, elle a repris ses esprits et a remis son jean. Ce faisant, elle est tombée. Alerté par le bruit, monsieur Weller est arrivé dans la chambre. Elle lui a alors dit qu'elle voulait rentrer à la maison et qu'elle ne dirait rien à personne. Une fois partie, elle rencontre un ami et lui raconte ce qui était arrivé. Son ami lui propose de l'accompagner à la police. Vers quatre heures de l'après-midi, Emma déclare qu'elle a été victime d'une agression sexuelle. Monsieur Weller est convoqué. Il déclare à la police qu'en effet, il a pris soin d'Emma alors qu'elle vomissait. Il déclare avoir ramassé sa culotte et ses vêtements qui étaient sur le sol. Par contre, il nie l'avoir agressée sexuellement. Mis à part le témoignage d'Emma, il y a au dossier le rapport du médecin. Ce dernier relève des blessures qui indiquent qu'un objet contondant a été inséré dans le vagin de la jeune fille, et que ces blessures ont probablement été faites par des doigts. Sur cet aspect, on doit être particulièrement vigilant, car le scientifique doit évaluer ces abrasions considérant deux propositions et non une seule, comme cela a été fait ici. Dans ce cas, il y a aussi l'ADN, bien sûr. La source de cet ADN n'est pas contestée. Les deux parties sont d'accord que l'ADN étranger retrouvé sur les doigts gauches de monsieur Weller provient d'Emma. Tout le monde s'accorde donc que le profil mineur est celui de la jeune fille. Par contre, le point sur lequel les parties ne sont pas d'accord c'est la route du transfert, comment l'ADN est-il arrivé là . Et aussi, ils sont en désaccord sur la valeur des résultats. Un des experts déclara que les résultats offraient un soutien scientifique fort au point de vue selon lequel la source de l'ADN était un contact avec le vagin. L'expert de la défense déclara que les traces étaient plus probables sous un scénario, la pénétration digitale, plutôt que l'autre, prendre soin d'Emma et ramasser ses vêtements. Toutefois, à son avis, le premier expert surestimait la valeur de l'indice, d'après la valeur qu'il avait à l'esprit de ce à quoi correspondait un soutien fort. Pendant l'appel, la défense contesta qu'il y avait suffisamment de données pour se prononcer sur la valeur des résultats. Le recours fut rejeté sur la base qu'il n'y avait pas de nouveaux éléments, et que, ensemble, c'est-à -dire en considérant ce qu'avait dit le médecin et les résultats ADN, le cas contre monsieur Weller reposait sur des bases solides. Le tribunal statua que dans le contexte de petite quantité d'ADN, les scientifiques étaient habilités à évaluer et à peser les mérites respectifs des possibles mécanismes de transfert de matériel cellulaire. Alex, les directives de l'ENFSI nous donnent-elles des indications qui pourraient nous aider à évaluer ce cas? En particulier, y trouve-t-on des indications quant au type de données nécessaires à une telle évaluation? >> Dans le guide ENFSI, on trouve clairement indiqué le fait que les résultats doivent être évalués en considérant les activités alléguées. Nous sommes pleinement d'accord sur ce point. Reste la question des données. Dans ce cas particulier, des expériences ont été menées afin d'acquérir des données structurées dans des conditions contrôlées. Deux articles peuvent maintenant être utilisés pour revisiter ce cas, et cela contribue à nos connaissances. Ce qui est intéressant, mais pas tout à fait clair, ce sont les résultats exacts qui ont été évalués. Par exemple, est-ce que l'absence d'ADN d'Emma sur une main et la présence sur l'autre main a été prise en compte? Est-ce que c'est important dans l'évaluation? L'ADN peut-il se redistribuer ou persister plus longtemps sur une main plutôt que sur l'autre? Il est donc important d'être absolument clair sur les résultats exacts que nous voulons évaluer. De toute évidence, les résultats ne se réduisent pas aux seules désignations alléliques. En outre, le raisonnement doit être pleinement expliqué et la probabilité des résultats considérée à la lumière de chacune des propositions et l'information. La source des données doit être mentionnée, car nous devons être transparents. Il est vrai que, dans les recommandations du guide ENFSI, il est souligné que les résultats doivent être évalués à partir des données. Il est donc important de définir ce que sont ces données. Dans les recommandations, elles sont définies comme suit. Les données peuvent prendre, par exemple, la forme structurée de publications scientifiques, de bases de données ou de rapports internes, ou en plus ou en l'absence de ce qui précède, faire partie des connaissances spécialisées, qui se basent sur des expériences menées dans des conditions contrôlées, c'est-à -dire des expériences spécifiques pour des cas particuliers, la formation et l'expérience. Toutefois, ceci ne signifie pas que les scientifiques ont carte blanche et qu'ils peuvent utiliser n'importe quelles données. Il y a des questions que nous devons poser. >> Il y a, en effet, deux questions que l'on doit poser lorsqu'on est face à une expertise qui considère des propositions au niveau de l'activité. La première est la suivante. La science forensique nous permet-elle de nous prononcer sur la valeur des résultats biologiques dans le contexte des activités alléguées? Si c'est le cas, n'y a-t-il pas le danger que les experts et les expertes se reposent trop sur leur expérience? Pour répondre à la première question, nous pensons que ce sont les scientifiques qui sont les personnes les plus à même d'aider le tribunal sur cet aspect. En effet, ce sont elles qui publient la recherche sur le transfert, et ce sont elles qui sont compétentes sur ces aspects. Quand les scientifiques n'ont pas assez de connaissances, parce que par exemple il s'agit d'une situation particulière, alors ils doivent le dire clairement. Il faut également souligner que dans de telles situations, les juges ne sauront pas plus quelle valeur donner aux résultats. Pendant ce cours, nous avons insisté sur le fait que les scientifiques ne doivent pas usurper le rôle de la Cour. Mais l'inverse est vrai aussi, ce n'est pas au tribunal de donner la valeur des résultats scientifiques. >> Oui, c'est vrai. Ils doivent travailler de concert, et lorsqu'ils apportent leur expertise, alors les scientifiques doivent fournir de l'aide à la Cour. S'écarter de ce devoir et présenter à la place des conclusions avec des hypothèses au niveau de la sous-source, n'est pas une alternative acceptable. Comme indiqué dans la directive ENFSI, des propositions au niveau de l'activité doivent être utilisées lorsque la considération des facteurs tels que les phénomènes de transfert, la persistance et le bruit de fond du matériel en question ont un impact significatif sur la compréhension des activités alléguées, et nécessitent des connaissances spécialisées. Pour évaluer la probabilité des résultats, il faut tenir compte de plusieurs facteurs. non seulement de la probabilité du profil donné en considérant chacune des deux sources potentielles, par exemple, le suspect versus une personne inconnue. Mais il faut également tenir compte de la probabilité qu'un transfert se produise ou non dans le cadre des activités alléguées et les circonstances. Le troisième facteur à prendre en considération est la probabilité de trouver du matériel pour des raisons indépendantes des activités alléguées dans l'affaire. Il sera également du devoir des scientifiques de mettre en évidence, chaque fois que c'est le cas, les limites des connaissances sur les phénomènes de transfert, en particulier en matière de mélanges complexes ou lorsque seulement quelques cellules ont été retrouvées. Parfois, il sera nécessaire d'insister sur le fait que les scientifiques forensiques doivent évaluer la trace avec beaucoup de soin. >> En ce qui concerne la seconde question, n'y a-t-il pas le risque qu'on se fie trop à l'expérience? Oui, il y a un risque. Et c'est particulièrement vrai si les scientifiques évaluent leurs résultats uniquement de façon verbale. Par exemple, que voulait dire l'expert par un soutien fort dans l'affaire Weller? Quel était l'ordre de grandeur de son rapport de vraisemblance? Nous sommes d'avis qu'il est essentiel de se déterminer sur la probabilité en utilisant des nombres ou du moins un ordre de grandeur. >> Cela a l'avantage de faire en sorte que notre évaluation soit robuste. Nous savons que si nous donnons un nombre, alors nous devrons le justifier. Sachant que notre raisonnement sera examiné par nos pairs, nous oblige à être plus rigoureux et à préciser nos sources de données. C'est ce que nous devrons viser, même si cela peut être difficile au début. Donc, quelle que soit l'évaluation, les propositions au niveau de la source ou au niveau de l'activité, il doit y avoir une base scientifique pour notre croyance ou l'opinion de l'expert. On ne peut pas se référer seulement à l'expérience. Mais comment accéder aux connaissances acquises par l'expérience? Comment en faire le contrôle et comment pouvons-nous évaluer si cette connaissance est robuste? En effet, si cette connaissance est basée sur des cas réels, alors les scientifiques ne peuvent pas savoir réellement ce qui s'est passé. >> Une des idées qu'on peut explorer, comme cela a été fait dans le cas Weller, c'est de se baser à la fois sur les connaissances des scientifiques et sur des expériences propres au cas. Pour que le domaine progresse, il est essentiel de publier et de partager les résultats de la recherche faite dans des conditions réalistes. De plus, il est extrêmement utile de discuter du cas avec des paires, mais sans connaître les résultats au préalable, sinon, on risque d'être influencé par cette information, ce qui n'est pas souhaitable. Comme indiqué dans le guide ENFSI, les opinions des scientifiques forensiques doivent être robustes. Lorsqu'il y a trop peu de connaissances ou si les résultats sont trop difficiles pour être interprétés, alors il est du rôle des scientifiques de le souligner, et ceci de préférence avant le procès. Dans cette vidéo, Franco vous a exposé le concept de hiérarchie des propositions. Dans une interview, vous avez appris comment ce concept a été conçu. Vous savez qu'il y a quatre niveaux dans la hiérarchie des propositions. Le niveau de la sous-source qui aidera le tribunal à décider qui est la source de l'ADN. Vous savez que les propositions au niveau de la source aideront le tribunal à décider qui est la source du matériel, comme par exemple la source du sang retrouvé sur les lieux. Évaluer nos résultats avec des propositions au niveau de l'activité aideront quant à elle le tribunal à se prononcer sur les activités, comme par exemple de savoir si une personne a tiré ou si elle n'est pas impliquée dans l'affaire. Les propositions au niveau du crime enfin permettront d'amener des éléments utiles au tribunal pour se déterminer sur cet aspect. La seconde compétence que vous avez acquise et que vous savez reconnaître, quand les scientifiques forensiques doivent évaluer leurs résultats en considérant des propositions au niveau de l'activité plutôt qu'au niveau de la source. Bien sûr, les propositions au niveau de la source sont utiles, mais à condition qu'il y ait beaucoup de matériel et qu'il n'y ait pas de risque que le tribunal interprète mal les résultats dans le contexte des activités alléguées dans l'affaire précise. Spécifiquement, comme vous l'a dit Alex, si les mécanismes de transfert, persistance et le bruit de fond ont un impact sur la compréhension des activités, alors il faut que les résultats soient évalués en considérant des propositions au niveau de l'activité également. Cela est souligné dans le Guide ENFSI. Pour finir, avec la discussion du cas Weller, vous savez maintenant que les scientifiques doivent utiliser des données structurées. Toutefois, même si on n'a pas de données, il est possible d'appliquer les principes d'interprétation et par conséquent de suivre les recommandations de l'ENFSI. Dans un cas où il n'y a aucune donnée et aucune connaissance, le poids des résultats sera zéro, ce qui reflète notre état d'ignorance. Merci de votre attention. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]