[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Bienvenue à cette troisième vidéo où l'on va discuter de deux autres cas ADN. À nouveau ici, ce n'est pas la source de l'ADN qui est contestée mais les activités qui ont pu mener à cette trace. La première affaire concerne monsieur Butler, un homme souffrant d'une maladie qui fait qu'il laisse beaucoup d'ADN. Dans la seconde affaire, on retrouve un ADN différent de celui de la personne suspectée, c'est-à -dire monsieur Nealon. Cette vidéo nous aidera à réaliser l'importance du transfert d'ADN, à comprendre la valeur de l'absence de trace et à reconnaître les situations où les scientifiques forensiques doivent évaluer le résultat en fonction de propositions au niveau dit de l'activité plutôt que du niveaux dit de la source ou sous-source. Ensuite, vous serez capable d'expliquer que les mêmes résultats forensiques peuvent avoir une signification différente selon le contexte et ce qui est allégué bien évidemment, et enfin pouvoir identifier les facteurs que les scientifiques doivent considérer pour se prononcer sur la probabilité des résultats quand on considère des activités. Je commencerai avec le cas Butler pour lequel nous aurons également l'opportunité d'entendre madame la docteure Sue Pope, une scientifique de pointe qui a travaillé sur ce cas et qui fut également interviewée sur ce sujet par la BBC. Tacha nous présentera ensuite le cas Nealon, et Christophe vous alertera sur les aspects que l'on doit considérer lorsqu'on retrouve très peu de matériel ADN. Dans cette affaire, David Butler, un ancien chauffeur de taxi de Liverpool, fut accusé du meurtre de madame Anne Marie Foy. Le dossier du procureur était en grande partie basé sur les traces ADN qui correspondaient à celui de monsieur Butler. Cet ADN avait été retrouvé sous les ongles de la victime, le bouton de son cardigan et sur un bandage autour de sa jambe. Le profil ADN de monsieur Butler était dans la base de données car il avait volontairement donné son ADN dans le cadre d'un cambriolage qui avait eu lieu chez sa mère quelques années auparavant, et ça à des fins d'exclusion. La trace ADN donna un profil partiel de mélange. Ce profil était de mauvaise qualité, tant et si bien que, selon les experts de l'époque, il n'était pas possible de dire que c'était son ADN, ni que ce n'était pas son ADN. Donc il est bien possible que toi non plus, Tacha, tu n'ait pas été exclue. Et d'ailleurs peut-être que vous non plus, vous n'auriez pas été exclu. Ce qu'il faut ici, c'est évaluer la valeur des résultats ADN en considérant au moins deux propositions. Pardon, j'insiste encore une fois, mais c'est essentiel sur ce point. Si les résultats sont trop complexes pour en donner la valeur, alors la trace ne devrait même pas être comparée à la personne d'intérêt. Mais retournons à notre affaire. Monsieur Butler resta incarcéré dans une prison de haute sécurité malgré le fait que d'autres informations investigatives soutenaient la version des faits donnée par monsieur Butler. Par exemple, l'interprétation des images de surveillance qui l'auraient localisé dans les environs du meurtre se révéla erronée. Les informations sur le cas révélèrent que la victime portait un vernis à ongles à paillettes qui semblait attirer très facilement la poussière et le matériel étranger. De plus, monsieur Butler souffrait d'une forme sévère de maladie de peau qui signifiait qu'il perdait facilement des cellules de peau, et qu'il laissait donc derrière lui de plus grandes quantités d'ADN qu'une personne normale. Sur la base de ces éléments, la défense argumenta qu'il y avait eu un transfert de type secondaire d'ADN. Le chauffeur de taxi, monsieur Butler, avait dû prendre un client dans le quartier des prostituées, la victime était en effet une prostituée, et avoir donné des billets en faisant l'échange. Son ADN serait alors allé de Butler au passager, qui ensuite aurait rencontré madame Foy. L'ADN de monsieur Butler aurait également pu passer des billets à madame Foy. Quand le cas fut jugé au tribunal, monsieur Butler fut acquitté et finalement relâché après huit mois de prison préventive. L'assassin de madame Foy n'a toujours pas été arrêté et le cas reste ouvert. >> Je suis sûre que comme moi, vous aimeriez en connaître un peu plus sur le cas et sur les traces retrouvées. Allons demander au docteur Sue Pope qui a agi en tant que consultante ADN pour monsieur Butler. >> [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] >> Merci Sue. On constate encore une fois qu'il faut non seulement tenir compte de la probabilité du profil ADN sachant les deux propositions d'intérêt mais qu'il faut aussi tenir compte des facteurs additionnels tels que le transfert, la persistance et la présence d'ADN pour des raisons sans lien avec le crime. Considérer uniquement les résultats avec des propositions au niveau de la source de l'ADN a mené dans ce cas précis à une mauvaise interprétation. Maintenant parlons d'un autre aspect, celui de l'absence de preuve. Je crois savoir, Tacha, que tu connais un cas où la personne a été reconnue coupable d'un crime sur la base d'éléments non forensiques. Par la suite, avec le progrès technique, les traces ont été analysées, mais étonnamment, l'ADN ne correspondait pas au condamné. Peux-tu nous en dire un peu plus, s'il te plaît? >> Tout à fait, Franco. Et d'ailleurs je vais vous parler de l'affaire Nealon, qui est précisément un exemple où il y a l'absence de trace. Certains disent que l'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence. Mais est-ce vraiment le cas? Certaines personnes croient de façon erronée que lorsqu'on ne retrouve pas d'ADN correspondant à la personne, cela ne soutient pas l'hypothèse selon laquelle la personne n'aurait pas commis les actions délictueuses. L'absence de trace est souvent considérée comme neutre. Mais est-ce le cas? Étudions le cas Nealon pour le déterminer. Les circonstances du cas sont les suivantes. Les évènements se déroulent en Angleterre, à Redditch, pendant l'été 1996, plus précisément pendant la soirée du huit au neuf août. La victime, prénommée Zoé, célèbre son vingt-deuxième anniversaire en night club. Ce soir-là , elle boit beaucoup. Au bar, elle remarque un homme plus âgé. Il l'observe avec ce qu'elle interprète comme un intérêt sexuel. L'homme a sur son front une bosse qui ressemble à une sorte de blessure. Alors qu'elle retournait chez elle avec une amie, Zoé est attaquée par derrière par un homme. Elle se débat pour s'échapper mais l'homme essaie de l'embrasser. À ce moment-là , Zoé réalise qu'il s'agit de l'homme du bar, qui avait une bosse sur son front et qui l'avait observée pendant toute la soirée. Sous le choc, Zoé perd connaissance. Alors qu'elle revient à elle, elle remarque qu'elle est allongée par terre sur le dos et qu'un homme est sur elle. La main de ce dernier est à l'intérieur de son chemisier, sur son soutien-gorge. Elle parvient alors à se dégager et à s'échapper. Une heure et demie après l'incident, la police saisit le chemisier et le soutien-gorge de la jeune femme. Le chemisier et le soutien-gorge étaient neufs et avaient été lavés. C'était la première fois que Zoé portait ces vêtements en public. Selon la victime et les témoins, après l'attaque, le chemisier de la victime était complètement déboutonné, alors qu'à la sortie du club, seul un ou deux boutons étaient défaits. Au laboratoire, on détecte de la salive sur le chemisier. On en détecte également sur les bonnets gauches et droits du soutien-gorge. Monsieur Victor Nealon est arrêté le 15 septembre 1996, à peu près un mois après l'attaque. Il déclare ne pas connaître la victime et dit qu'il passe la plupart de ses soirées à la maison avec son amie. Plus tard, après avoir consulté le journal intime de sa belle-fille, il se souvient qu'ils avaient été faire un tour en vélo et qu'ils avaient loué quelques vidéos au vidéoclub du coin. Ils étaient ensuite retournés à la maison et avaient regardé une vidéo avec Sylvester Stallone, le film Haute Sécurité, et Les Évadés avec Morgan Freeman. Le 22 janvier 1997, monsieur Victor Nealon, sur la base d'un témoin oculaire, est condamné pour tentative de viol sur la personne de Zoé. Il est condamné à perpétuité. Le 17 juillet 2012, la commission de révision des affaires criminelles, la fameuse CCRC, demande à la chambre criminelle de la cour d'appel de réexaminer la cause de monsieur Nealon, ceci sur la base de nouveaux éléments, spécifiquement sur la base de l'ADN, le premier appel ayant été rejeté. Les avocats de monsieur Nealon demandent à ce que des tests scientifiques soient effectués sur les vêtements de Zoé, ceci 16 ans après les faits. Trois généticiens forensiques de deux laboratoires différents procèdent à l'analyse. Les résultats sont dans les grandes lignes les suivants. >> On retrouve un profil simple non mélangé différent de celui de monsieur Nealon et sur le chemisier et sur les bonnets du soutien-gorge. Il s'agit d'un profil simple masculin. Je me permets ici une petite digression. On entend parfois le terme de profil unique, ce qui n'est pas le meilleur des termes. Il faut mieux parler de profil simple. Sur la jupe et les collants de la victime, un mélange de trois ADN, au moins de trois personnes, est mis en évidence. Pour ce qui est du mélange, on ne peut exclure monsieur Nealon. Cependant, il est mentionné que cette non-exclusion n'a que peu de valeur et qu'une large proportion de la population montrerait également des concordances. Donc, encore une fois Tacha, tu pourrais peut-être être également incluse. Mais que pensez-vous de ce résultat? Est-ce qu'il soutient la défense? En tant qu'expert, que diriez-vous? Est-ce que vous pensez que ces résultats, un profil ADN masculin non-mélangé différent de celui de monsieur Nealon et un profil de mélange interprétable sont sans valeur et donc inutiles comme dans l'affaire Barry George? Ou pensez-vous plutôt que ces résultats soutiennent l'hypothèse de la défense? >> Ce n'est pas facile de répondre de façon intuitive, et c'est là où un certain formalisme est nécessaire. Si on évalue ces résultats en considérant des hypothèses à l'activité, comme par exemple monsieur Nealon a touché le soutien-gorge de la victime, et monsieur Nealon n'est pas impliqué dans cette attaque, et donc une autre personne, une personne inconnue est l'attaquant, alors, on peut montrer que les résultats, c'est-à -dire ici un ADN qui ne correspond pas à l'accusé, qui ne correspond pas à monsieur Nealon, on peut donc montrer que ce résultat soutient la défense plutôt que l'accusation. En effet, si la proposition de l'accusation est vraie et qu'on retrouve ce profil non-concordant, alors qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que monsieur Nealon n'a pas transféré son ADN, comme on peut le voir sur l'image ici, et que son ADN est présent comme bruit de fond. On a donc une possibilité et deux facteurs. Si la proposition de la défense est vraie et qu'on retrouve un ADN qui ne correspond pas à monsieur Nealon, alors il y a deux possibilités et non plus une seule. Comme tout à l'heure, il est possible que le vrai agresseur n'ait pas transféré d'ADN et que le trace soit du bruit de fond, comme illustré ici. Mais il y a une seconde possibilité. Peut-être qu'il y a eu transfert d'ADN de cet inconnu masculin et qu'il n'y avait pas de bruit de fond auparavant. Donc si on compare la probabilité des résultats sachant les deux propositions, dans un cas on a du bruit de fond et pas de transfert ; dans le second cas, on a soit du bruit de fond et pas de transfert, soit un transfert du vrai agresseur et pas de bruit de fond. Par conséquent, si on s'attend à retrouver de l'ADN de l'agresseur, ce qui semble logique puisqu'on fait l'analyse, alors la probabilité des résultats est toujours plus grande sous l'alternative. La présence d'un profil différent de celui du suspect soutient donc toujours la défense. >> Merci Tacha. Nous avons donc vu avec les affaires présentées, Weller, George, Butler et Nealon, que l'on doit évaluer nos résultats correspondants ou non-correspondants, voire même l'absence totale de trace en considérant des propositions au niveau de l'activité. Voyons maintenant avec Christophe quels sont les points essentiels à vérifier dans des rapports concernant l'évaluation des traces en petites quantités. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]