[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Que faut-il vérifier dans les rapports d'expertise lorsque la question principale réside dans les activités alléguées par les parties ? Un bon point de départ consiste à utiliser le modèle d'audit proposé dans le guide de l'ENFSI, que vous avez ici, mais je vais également vous donner des points très concrets que l'on se doit de vérifier. Premièrement, si la question fondamentale concerne les activités des protagonistes, alors le rapport évaluatif devrait donner des informations à ce niveau. Comme vous le savez, c'est particulièrement critique lorsque de très petites quantités de traces sont analysées. Si le rapport ne traite que des questions de source, alors ce n'est pas acceptable, voire dangereux. Pour une saine administration de la justice, on doit exiger plus du scientifique forensique. En d'autres termes, il ne faut pas accepter que les scientifiques se dérobent dans des situations difficiles et qu'ils occultent des questions importantes, pour des raisons de confort. Est-il acceptable, dans un rapport d'expertise destiné à un tribunal, de faire une liste de toutes les explications possibles quant au transfert des traces retrouvées ? Clairement, la réponse est non. Répondre qu'un mécanisme farfelu de transfert est possible n'est pas suffisant, car rapidement, tout devient possible. La valeur des résultats ne doit pas rester une question ouverte. On ne peut pas simplement lister les différents mécanismes de transferts possibles qui pourraient mener aux observations. Il faut les pondérer et leur donner un poids respectif en regard de chaque activité alléguée. Une liste n'est pas suffisante. Pourquoi ? Parce que le tribunal devra de toute façon se déterminer sur la valeur des résultats, et devra le faire en considérant des propositions au niveau de l'activité. Or, les juges ne pourront pas choisir entre les différentes options sans être guidés par les scientifiques. On voit aussi certains experts qui, une fois au tribunal, vont classer les différentes options selon leur appréciation de leur degré de plausibilité. Selon notre expérience, cette façon de faire est souvent polluée par la transposition du conditionnel et polluée par l'improvisation. Cela ne va pas dans le sens d'une approche équilibrée et équitable. Vu la complexité du sujet, on ne peut pas laisser cette discussion spécifique sous silence dans les rapports, puis en débattre oralement au tribunal. On doit favoriser les contributions écrites. Cela permet à chacune des parties de les revoir sous un œil critique. Certains laboratoires encore ont pour habitude de produire des rapports très courts et de prendre quelques notes détaillées dans les notes de laboratoire. Nous aurons tendance à privilégier des rapports plus longs décrivant systématiquement les éléments qui doivent être pris en considération, et en mettant systématiquement à disposition les notes de laboratoire à l'examen critique de la défense. Est-ce qu'une seule opinion d'un ou d'une scientifique est-elle suffisante? Est-ce qu'il est autorisé pour un scientifique de simplement donner son avis sur la plausibilité d'avoir un transfert primaire, secondaire ou tertiaire d'ADN ? Sur ce point, on attend des scientifiques qu'ils puissent montrer l'ensemble des données, ainsi que l'ensemble de la connaissance qu'ils ont utilisée pour estimer la plausibilité des résultats en regard des activités alléguées. Une simple opinion n'est pas suffisante, et la priorité doit être donnée à des rapports écrits et non à un témoignage oral. Il faut encore vérifier que les résultats sont évalués à la lumière de deux points de vue, pour assurer un certain équilibre, pour garantir l'équité que nous cherchons dans l'administration de la preuve. On en revient à nouveau au principe de l'interprétation qui veut qu'on considère toujours les résultats en regard de deux propositions. Dans le rapport d'expertise, un des points essentiels à vérifier est de savoir s'il y a clairement un paragraphe décrivant la probabilité des résultats sachant les activités alléguées par l'accusation, et un paragraphe décrivant la probabilité des résultats sachant les activités alléguées par la défense. Tout manquement à ce principe d'équilibre est contraire aux bonnes pratiques scientifiques. Est-il suffisant de se limiter à la conclusion, et de dire dans quelle mesure l'élément scientifique soutient l'une ou l'autre des hypothèses ? Selon nous, ce n'est pas suffisant, parce que ce n'est pas suffisamment transparent, et pour être un peu provocateur, suffisamment honnête. On doit pouvoir comprendre au travers de la lecture du rapport quel a été précisément le raisonnement de l'experte, et les données qu'elle a utilisées. Il est nécessaire qu'il y ait une description détaillée des résultats, de leur poids en regard des deux propositions en jeu. On ne peut pas simplement se focaliser sur la conclusion ultime, le rapport de vraisemblance. Le rapport doit être détaillé et doit explorer de façon argumentée l'une et l'autre face des résultats. La dernière chose à vérifier est d'étudier si les présupposés et les informations du cas sont clairement indiqués dans le rapport. C'est crucial de notre point de vue et cela participe à la bonne éthique des scientifiques forensiques, les limitations, toute limitation, les prémisses, l'ensemble de celles-ci, doivent être clairement communiquées. Il est inapproprié d'attendre que les parties exposent les limitations de l'expertise pendant les débats. Ce rôle est malheureusement souvent laissé à la défense, qui elle n'a généralement pas les ressources scientifiques nécessaires. Si des limitations sont connues du scientifique, alors elles doivent être divulguées. L'éthique forensique veut que l'on soit pleinement transparent. Pour conclure, revenons ensemble sur les messages à retenir de cette vidéo. Nous avons vu avec l'affaire Butler que même si la personne conteste que c'est son ADN qui a été retrouvé, et dit qu'elle n'a pas commis les crimes, les scientifiques doivent évaluer les résultats avec des propositions au niveau de l'activité. Les facteurs tels que le transfert, la persistance, la présence du matériel pour des raisons inconnues, que l'on nomme bruit de fond, doivent être pris en considération dans notre évaluation. L'affaire Nealon nous a permis de démontrer que si un résultat est trop complexe pour être évalué, alors il ne devrait même pas être comparé à la personne d'intérêt. Nous avons également montré que si l'on considère les activités plutôt que la source, alors les résultats forensiques peuvent également soutenir l'hypothèse de la défense. Effectivement, dans l'affaire Nealon, nous avons démontré que dans ce cas, les résultats soutenaient la proposition de la défense. Il est logique et juste que nos résultats, en fonction de ce qui est connu du cas, puissent favoriser tant la thèse de l'accusation que la thèse de la défense. Cela montre que l'approche est équilibrée et qu'elle ne favorise aucune des parties. Ensemble, nous avons étudié quels étaient les éléments à vérifier dans un rapport d'expertise lorsque la trace retrouvée était en petite quantité. Les points fondamentaux sont que les scientifiques ne doivent pas simplement expliquer la présence des traces dans un rapport ou au tribunal, mais doivent les évaluer. Les explications correspondent plus à une phase investigative qu'à une phase évaluative. Il n'est pas souhaitable d'attendre d'être au tribunal pour discuter de l'évaluation des résultats en considérant les propositions au niveau de l'activité. Cela doit se faire dans un rapport écrit pour assurer l'égalité des armes et également le processus d'assurance qualité. Pour finir, l'évaluation des résultats doit se baser sur des données, telles que définies dans le guide de l'ENFSI. Le guide indique, je cite, des publications scientifiques, des bases de données, des rapports internes, des connaissances d'experte, construites sur des expériences faites dans des conditions contrôlées, y compris des expérimentations spécifiques à l'affaire, mais aussi sur la base de la formation et de l'expérience. Lorsque les rapports satisfont à ces critères, alors c'est un bon signe que les choses ont été faites dans les règles de l'art. Sinon, il est important de poser des questions. Je vous remercie de votre attention. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]