Dans ce cinquième cours d'initiation à la théorie des distributions, nous allons commencer par utiliser la notion de produits de convolution d'une distribution avec une fonction régulière, que nous avons découverte au cours précédent, en décrivant un procédé de régularisation des distributions. Alors, la notion de régularisation et d'approximation par des fonctions régulières, des fonctions plus régulières, c'est un thème bien connu en analyse. On sait, par exemple, c'est le théorème de Weierstrass que toute fonction continue sur un segment peut être approchée par une suite de polynômes approchée au sens de la convergence uniforme. Bien. Donc, c'est un thème bien connu en analyse que d'approcher des fonctions peu régulières par des fonctions plus régulières et nous allons voir comment ce thème fonctionne dans le cas des distributions. Alors, avant de parler des distributions, je vais rappeler quelques notions relatives à la régularisation des fonctions localement intégrables. Alors, l'outil de base pour procéder à cette régularisation, c'est la notion de suite régularisante dans un espace euclidien R N. De quoi s'agit-il? Eh bien, étant donné une fonction zêta de classe C infinie sur R N, alors, je vais la choisir, cette fonction zêta, de telle sorte qu'elle soit positive ou nulle partout sur R N, de telle sorte que son support soit inclus dans la boule de centre zéro et de rayon 1 et enfin, de telle sorte que son intégrale sur R N tout entier soit égale à 1. Alors, de telles fonctions, nous en avons déjà rencontrées lorsque nous avons construit des exemples de fonctions de classe C infini à support compact lors du premier cours. À partir d'une telle fonction et pour tout epsilon strictement positif, je vais définir la fonction zêta indice epsilon de x qui est, tout simplement, zêta de x sur epsilon divisé par epsilon à la puissance grand N, où grand N est la dimension de l'espace ambiant. Ainsi, la fonction que l'on obtient, évidemment est toujours de classe C infini sur R N, le support de zêta epsilon est inclus dans la boule de centre zéro et de rayon epsilon puisque le support de zêta est inclus dans la boule de centre zéro et de rayon 1, l'intégrale sur R N de zêta epsilon de x, dx est égale à 1 par changement de variable puisque l'intégrale de zêta sur R N vaut 1. Evidemment zêta epsilon est toujours positif ou nulle et donc grâce à cela, on voit que zêta epsilon converge vers la masse de Dirac en zéro. Alors, à partir de la notion de suite régularisante, on va procéder à la régularisation des fonctions localement intégrables et pour ce qu'il nous intéresse, on va considérer le cas particulier de fonctions continues. Donc soit petit f, fonction continue sur R N et donc localement intégrable sur R N et soit K compact quelconque de R N. Eh bien, d'une part f étoile zêta epsilon et de classe C infini sur R N, propriété élémentaire du produit de convolution qu'on a découvert au cours précédent, et d'autre part, f étoile zêta epsilon converge vers f uniformément sur K lorsque epsilon tend vers zéro. Et comme le compact K de R N est arbitraire, en réalité f étoile zêta epsilon converge uniformément vers f sur tout compact de R N. Bien, voilà la situation dans le cas des fonctions. On a donc, pour toute fonction f continue sur R N, un procédé de régularisation. Donc, à f on associe une famille f indice epsilon qui est définie comme f étoile zêta epsilon. Cette famille de fonctions f epsilon, pour tout epsilon, f epsilon est C infini sur R N donc plus régulière que f mais converge vers f uniformément sur tout compact de R N lorsque epsilon tend vers zéro. Alors, on va procéder de même pour les distributions. Je considère donc T une distribution arbitraire sur R N et zêta epsilon, une suite régularisante de R N. On a déjà vu au dernier cours que T epsilon, qui est défini comme étant T étoile zêta epsilon, cet objet-là est en fait une fonction de classe C infini sur R N et le fait nouveau, le coeur du théorème que je suis en train d'énoncer, c'est que cette suite de fonctions de classe C infinie sur R N converge vers T au sens des distributions dans R N pour epsilon tendant vers zéro. Alors, donnons une idée de la façon dont on mène la démonstration. On ne va pas faire la démonstration en détail parce que il y a certains points techniques à mettre en place mais je vais simplement donner l'idée. Alors nous avons vu, au cours précédent, que la dérivation par rapport au paramètre est une opération qui commute avec le crochet de dualité. Eh bien, lorsqu'on a affaire à des fonctions régulières, intégration en dimension 1, et dérivation sont deux opérations inverses l'une de l'autre. Et donc il n'est pas très surprenant, et ça se démontre d'ailleurs de la même manière, que l'intégration par rapport au paramètre commute avec le crochet de dualité. Si on veut, c'est une variante du théorème de Fubini dans le cadre des distributions, on peut échanger l'intégration par rapport à une variable additionnelle, par rapport au paramètre et le crochet de dualité. Alors, voyons comment ça fonctionne plus précisément. Ici, ça va nous permettre de démontrer la formule suivante : Je prends donc ma suite régularisante zêta epsilon et je rappelle la notation zêta epsilon tilda de x pour désigner la composition de zêta epsilon avec la symétrie par rapport à l'origine. Donc zêta epsilon tilda de x, c'est zêta epsilon de moins x. Bien donc, l'intégrale par rapport à x sur R N de T étoile zêta epsilon de x qui est une fonction de classe C infini sur RN fois phi de x, où phi est une fonction de classe C infini à support compact quelconque de R N. Eh bien ça, par définition du produit de convolution T étoile zêta epsilon, c'est l'intégrale sur R N du crochet de dualité de T avec la fonction zêta epsilon de x moins y vu comme fonction de y, chose que j'intègre après l'avoir multipliée par phi de x, j'intègre par rapport à x. Maintenant je vais échanger l'intégration par rapport au paramètre, qui est ici la variable x, et le crochet de dualité, qui lui travaille sur la variable y. Et donc, ce que j'obtiens en faisant cet échange, c'est la distribution T opérant sur la fonction de y qui est définie comme étant l'intégrale de zêta epsilon de x moins y, phi de x, dx, intégration lorsque x décrit R N. Maintenant, l'intégrale de zêta epsilon de x moins y, phi de x, dx, ce n'est rien d'autre, comme fonction de la variable y, que zêta epsilon tilda convolée avec phi. Donc nous avons démontré que l'intégrale par rapport à x de T étoile zêta epsilon de x, phi de x, dx, c'est égal à T appliqué à zêta epsilon tilda étoile phi. Or maintenant, lorsque epsilon tend vers zéro, zêta epsilon tilda étoile phi converge vers phi dans C infini à support compact de R N. En effet, zêta epsilon tilda convolée avec phi est à support dans le compact K fixe qui est égal au support de phi plus l'adhérence de B de zéro, 1, plus la boule fermée de centre zéro et de rayon 1 puisque je prends epsilon disons plus petit que 1. Et zêta epsilon est à support dans la boule de centre zéro et de rayon 1 donc zêta epsilon tilda est à support dans la boule de centre zéro et de rayon 1. La majoration du support pour zêta epsilon tilda convolée avec phi nous donne que les supports de toutes ces fonctions sont contenus dans un compact phi x qui est par exemple l'addition du support de phi et de la boule fermée de centre zéro et de rayon 1. Bien, d'autre part, et bien, d rond alpha de phi étoile zêta epsilon tilda, zêta epsilon tilda est une autre suite régularisante de R N évidemment et lorsque je la convole avec la fonction d rond alpha phi, qui est une fonction continue sur R N eh bien, j'obtiens une suite de fonctions indexées par epsilon, qui convergent vers d rond alpha phi, uniformément sur tout compact quand epsilon tend vers zéro. Et puisque, il y a convergence uniforme sur tout compact, en particulier, il y a convergence uniforme sur K. Et en dehors de K, ces deux fonctions, d rond alpha phi étoile zêta epsilon de x, et d rond alpha phi sont nuls. Par conséquent, zêta epsilon tilda étoile phi converge bien vers phi dans C infini à support compact de R N. Et donc, par continuité séquentielle de la distribution T, T appliqué à zêta epsilon tilda étoile phi converge vers T de phi, lorsque epsilon tend vers zéro, ce qui achève la démonstration. Alors, pourquoi avoir procédé à la régularisation des distributions? Alors, d'abord, il y a une nécessité qui est de procéder par analogie, et de voir que de même, que des fonctions peu régulières peuvent être approchées par des fonctions de classe C infini, si on pense au théorème de Weierstrass pour l'approximation uniforme par des polynômes sur des intervalles compactes de R. Donc, la régularisation des distributions s'inscrit donc dans un cadre naturel, par analogie avec ce qui se passe pour les fonctions. Mais une autre raison de faire cela dans le cas des distributions, c'est que par régularisation, on peut définir de nouvelles opérations linéaires, sur les distributions, par densité, à partir des opérations correspondantes sur les fonctions. Jusqu'à présent, c'est pas ainsi qu'on a procédé. On a défini les opérations sur les distributions, par transposition des opérations correspondantes sur les fonctions. Mais pour certaines opérations, il est nécessaire de procéder par régularisation, et par passage à la limite. Parmi les exemples classiques de telles opérations, il y a d'une part, le produit tensoriel des distributions, dont nous allons dire un mot dans un instant. Et d'autre part, il y a la composée d'une distribution, et d'une application de classe C infini qui ne serait pas forcément un difféomorphisme, qui se définit, d'ailleurs, en utilisant la notion de produits tensoriels de distribution. Je n'aurai pas besoin de cette seconde opération, mais dans la suite du cours, nous rencontrerons le produit tensoriel de distribution, lorsque nous parlerons de problème d'évolution pour des équations aux dérivées partielles. Donc, voyons ce produit tensoriel de distribution, voyons comment on le définit. Alors, on a vu que le produit de deux distributions, produit ponctuel, comme on définirait le produit de deux fonctions f de x, et g de x. On a vu qu'en général, on n'était pas capable de le définir, dans le cas des distributions. Il suffit, par exemple, de se souvenir qu'on n'est pas capable de définir le carré de la masse de Dirac en zéro. En tout cas, on n'est pas capable de le définir dans l'espace des distributions. En revanche, on va voir qu'il est possible d'effectuer le produit de deux distributions dans deux variables différentes. Et donc, autrement dit, si on dit les questions, ici, c'est d'étendre aux distributions l'opération qui est définie sur les fonctions localement intégrables, par la formule qui à deux fonctions, f localement intégrable de la variable x, g localement intégrale de la variable y, associe une fonction notée f tens g de x, y qui est définie comme étant égale à f de x, g de y pour presque tout x et y. Alors, voyons comment ça fonctionne dans le cas des distributions. Et donc, voilà la définition naturelle. Donc, je prends S, une distribution quelconque sur Rm, T une distribution quelconque sur Rn, m et n sont quelconques, sont pas forcément égaux. Et à partir de là , je veux définir une distribution que je vais noter S tens T, produit tensoriel de S et de T qui va être une distribution sur l'espace R, m plus n, et qui est définie de la manière suivante. Donc, pour définir S tens T, appliquée à une fonction test phi sur R, m plus n, ce que je fais, c'est que je commence par appliquer la distribution T à la fonction phi de x 1 et x 2, vue comme fonction de x 2. Ce que j'obtiens ainsi est une fonction de classe C infini à support compact de la variable x 1. Cette fonction C infini à support compact de la variable x 1, je lui applique la distribution S. Et cela me définit S tens T appliqué à phi. Alors, ceci dit, on peut aussi procéder différemment, faire l'inverse. Commencer par appliquer la distribution S à la fonction phi de x 1, et de x 2 vue comme fonction de x 1. Le résultat est une fonction de classe C infini à support compact de x 2, et je lui applique la distribution T. Il faut bien sûr vérifier, c'est là la proposition. C'est là ce qu'il y a à démontrer, que ces deux définitions coïncident, et qu'elles définissent bien une distribution sur R m plus n. Alors, d'autre part, il est très facile de vérifier que si S et T sont d'ordre fini, l'ordre de S tens T est inférieur ou égal à l'ordre de S plus l'ordre de T. Alors, voyons tout de suite comment ça fonctionne sur un exemple, et c'est l'exemple que nous rencontrerons le plus souvent, lorsqu'il sera question de problème d'évolution dans le cas des équations des dérivées partielles. Eh bien, le produit tensoriel, de la masse de Dirac en un point x zéro, par la distribution constante 1, il est défini de la manière suivante. Pour toute fonction test phi sur l'espace produit, delta en x zéro, tens 1 appliqué à phi, c'est égal à l'intégrale par rapport à la deuxième variable, notée, ici, y, de phi évaluée en x zéro et en y intégrée par rapport à y. C'est évidemment ce que l'on obtient quand on dit que l'on applique d'abord la distribution T qui est, ici, la constante un à phi, vue comme fonction de la deuxième variable. On obtient bien l'intégrale de phi par rapport à la deuxième variable, et cette intégrale, on l'évalue lorsque la première variable petit x vaut x zéro. Alors, donnons une idée de la démonstration de cette proposition. Expliquons comment on démontre ce qu'il y a à démontrer dans cette définition, parce que cette définition, telle qu'elle est, ne fait a priori, pas à intervenir de procédé de régularisation, ni de S, ni de T. Mais en réalité, on va voir que pour démontrer la deuxième égalité, à savoir, le fait que c'est équivalent de commencer à appliquer T, puis d'appliquer S, ou bien de faire l'inverse. De commencer par appliquer S, puis d'appliquer T au résultat. Le fait qu'on obtient la même distribution, donc la deuxième égalité dans l'enoncé encadré. Cela se démontre par un procédé d'approximation. Alors, voici l'idée de la démonstration. D'abord, comme la dérivation par rapport au paramètre commute avec le crochet de dualité, on l'a vu au cours précédent. On vérifie très simplement que les formes linéaires qui à la fonction test phi associe, d'une part, S appliquée à la fonction de x 1 définie comme l'action de T sur phi de x 1 et x 2, vue comme fonction de x 2. Ou bien la forme linéaire qui à phi associe l'action de T sur l'évaluation de S en phi de x 1 et x 2, vue comme fonction de x 1. Ces deux formes linéaires sont bien des distributions sur m R, puissance m plus n. C'est une vérification très simple qui utilise, tout simplement, la définition des distributions, ou si on veut, la propriété de continuité des distributions S et T. Maintenant, une fois que l'on sait que ces deux formes linéaires sont des distributions, on va considérer leur différence qui est donc également, une distribution sur R puissance m plus n. Et il s'agit, bien sûr, de vérifier que cette différence vaut zéro. Mais ce qui est immédiat, c'est que ces deux formes linéaires prennent la même valeur sur des fonctions test qui seraient elles-mêmes des produits tensoriels. En effet, si phi de x 1 et x 2 s'écrit khi de x 1, psi de x 2, eh bien, les deux formes linéaires ci-dessus prennent toutes les deux la valeur S appliqué à khi que multiplie T appliqué à psi. Et donc, par conséquent, la différence grand U est une distribution qui vaut zéro sur toute fonction test de la forme khi tens psi, où khi est de force C infini à support compact sur Rm, et psi de classe C infini à support compact sur Rn, où je rappelle que khi tens psi de x, y, c'est khi de x fois psi de y. Bien, alors à partir de là , je vais prendre khi epsilon, une suite régularisante de Rm quelconque, et psi epsilon, une suite régularisante de Rn également quelconque. Alors, le produit tensoriel khi epsilon tens psi epsilon est une suite régularisante de R m plus n. Et lorsque je convole U par cette suite régularisante, comme cette suite régularisante est un produit tensoriel, U convolé avec khi epsilon tens psi epsilon, ça vaut exactement zéro. Mais comme khi epsilon tens psi epsilon est une suite régularisante de R m plus n, U convolé avec cette suite régularisante converge vers U au sens des distributions dans R m plus n, lorsque epsilon tend vers zéro. Mais la part unicité de la limite, on voit donc que U est égal à zéro, ce qu'il fallait démontrer. Donc, les deux formes linéaires définies plus haut sont égales, ce qui montre que les deux définitions possibles du produit tensoriel de deux distributions coïncident.