[MUSIQUE] Nous sommes ici dans un lieu où les enfants, les jeunes adolescents viennent pour y apprendre, faire leurs premiers apprentissages, mais aussi tisser leurs premières relations avec leurs pairs et aussi avec des adultes qui sont à l'extérieur de leur famille. Dès l'âge de deux, trois, quatre ans dans les milieux de crèches, ou alors à l'école primaire, nous allons pouvoir repérer un certain nombre de signes précurseurs ou diagnostics des troubles du spectre de l'autisme. Ces signes sont perceptibles au niveau de la communication, au niveau de l'interaction sociale avec les pairs, et aussi au niveau des sphères d'intérêt qui sont investies par les jeunes, sphères d'intérêt très spécifiques. qui vont de pair souvent avec des comportements stéréotypés. L'existence de ces signes est désormais clair pour l'ensemble des personnels qui travaillent auprès des enfants, que ce soit dans le domaine éducatif ou alors dans le domaine de la santé mentale. Ces signes précurseurs et ces signes diagnostics ont fait l'objet de nombreuses recherches, des recherches en psychologie clinique, en psychiatrie, en science de l'éducation notamment, mais aussi des recherches qui ont mené à des interventions précoces. Si l'existence de ces signes est désormais connue, cela fait seulement 50 ans que nous nous penchons plus particulièrement sur les caractéristiques de l'autisme. Au jour d'aujourd'hui, il y a tellement d'informations sur l'autisme qu'on a presque de la peine à imaginer que l'autisme en fait n'existait pas au-delà de 50 ans. Donc, la question qui va être de mise pour ce premier module est la suivante, qu'est-ce qui nous a pris tout ce temps pour comprendre et examiner plus spécifiquement l'autisme? La réponse à notre question se trouve dans deux phénomènes socio-historiques qui sont relativement récents, et qui datent environ du XVII et du XVIIIe siècle. C'est à cette époque d'abord que l'éducation pour l'ensemble des enfants devient obligatoire. Autrement dit, avant le XVIIe siècle, seulement les enfants fortunés bénéficiaient d'une éducation continue, tandis que l'enfant de famille ordinaire, lui, n'était que traité de véritable adulte quand il commençait à travailler sur le champ ou dans l'industrie après la révolution industrielle. Et donc, ce premier phénomène socio-historique fait en sorte que d'une part, comme le sociologue Philippe Aries l'a souligné la structure de la famille change, et on commence à s'intéresser à l'éducation des enfants. Dès lors qu'on doit gérer l'ensemble des enfants, on doit aussi gérer leurs interactions et les enfants avec qui il est plus difficile d'entrer en interaction. Le deuxième phénomène socio-historique autour du XVIIe siècle, est la naissance de la psychiatrie en tant que discipline scientifique. Avant le XVIIe siècle, la souffrance psychique était interprétée comme une forme d'aliénation incurable, qui provenait des pouvoirs divins pour punir l'individu d'une faute ou encore pour punir sa famille. À partir du Dr Philippe Pinel qui introduit la notion de l'aliénation curable, c'est-à -dire la possibilité d'éduquer moralement ceux qui souffrent de cette aliénation, la discipline scientifique de la psychiatrie va naître. Et au cours de cette naissance, Philippe Pinel va établir une classification de la souffrance psychique. En particulier, il va s'intéresser à la mélancolie mais aussi aux démences et ce qu'il va appeler l'idiotie, c'est-à -dire la difficulté congénitale à apprendre. Et c'est chez ses disciples, notamment Jean-Marc Itard, que nous retrouverons un intérêt plus particulier pour la souffrance de l'enfant. Jean-Marc Itard va suggérer à son maître que certains enfants, notamment les enfants sauvages, ne sont pas idiots, mais peuvent être amenés eux aussi à une éducation, notamment une éducation morale. Et c'est avec la situation du petit Victor, l'enfant sauvage de l'Aveyron, que Jean-Marc Itard essaiera d'éduquer le premier enfant qui on croit, avait des caractéristiques d'autisme, c'est-à -dire des caractéristiques particulières de communication, une impossibilité à établir des relations sociales, et des mouvements et des intérêts restreints et stéréotypés. Donc, ces deux phénomènes socio-historiques ont eu lieu en parallèle entre le XVIIe et le XIXe siècle. Ils ont permis à la fois de centrer notre attention sur les difficultés des enfants en milieu scolaire, et pour la première fois de l'histoire, se centrer sur la santé mentale des enfants. Et nous verrons comment au travers du XXe siècle, de l'invention notamment de la psychologie, mais aussi des poursuites des recherches en psychiatrie chez l'adulte et chez l'enfant, que la notion du développement particulier de l'autisme a pu naître au cours du XXe siècle. [MUSIQUE] [MUSIQUE]