[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Comme Astrid vient de le décrire, nous avons aujourd'hui une meilleure idée de ce que sont les bonnes pratiques et les principes généraux qui guident une intervention précoce dans le domaine de l'autisme. Ces connaissances existent grâce au travail de beaucoup de personnes sur de nombreuses années, en effet des pionniers, des chercheurs, des parents, des cliniciens, et c'est grâce à leurs efforts pour mieux aider les enfants avec autisme qu'aujourd'hui nous avons plusieurs approches à notre disposition. Pour bien comprendre pourquoi nous utilisons les approches thérapeutiques actuelles, nous devons comprendre comment elles se sont développées. J'aimerais maintenant évoquer brièvement certains des moments clés qui ont façonné notre manière de travailler avec les jeunes enfants autistes, et qui nous ont aidés à comprendre comment les enfants apprennent le plus efficacement. Il n'y a pas si longtemps que ça, dans les années 50, on considérait que les enfants avec un trouble du développement n'étaient pas capables d'apprendre. Ces enfants étaient souvent placés en institutions, retirés de leurs familles, et n'avaient pas la possibilité d'aller à l'école ou de bénéficier de services thérapeutiques. Ce n'est qu'au début des années 60 que les chercheurs ont démontré que les enfants autistes pouvaient en fait acquérir de nouvelles compétences grâce à l'utilisation d'une méthodologie comportementale. Dans ces premières thérapies, l'accent était mis en grande partie sur la réduction des comportements difficiles ou dérangeants, et sur la compliance de l'enfant à répondre aux directives. Nous pouvons imaginer qu'à une époque où les enfants ne bénéficiaient pas d'une intervention précoce pour leur permettre d'accéder au langage et de mieux comprendre leur environnement, ces enfants présentaient plus souvent des comportements liés à leur frustration ou à leur anxiété. Par conséquent, la thérapie était souvent axée sur les comportements difficiles au lieu de s'intéresser à l'origine de ces comportements. Cela allait devenir le domaine de l'analyse comportementale appliquée ou l'ABA. Ces chercheurs voulaient comprendre comment des changements dans l'environnement pouvaient affecter le comportement d'un enfant. L'un des chercheurs les plus importants dans la recherche sur le traitement précoce de l'autisme était Ivar Lovaas à l'université de Californie à Los Angeles. Il se demandait si les enfants autistes avaient des difficultés à apprendre dans l'environnement naturel. Il voulait comprendre comment il pouvait modifier le comportement des enfants. Il a émis l'hypothèse qu'en simplifiant l'enseignement qui était donné en petites étapes, et en récompensant l'enfant avec un renforçateur puissant, l'enfant pouvait petit à petit apprendre des nouvelles compétences. Lovaas appellerait cette thérapie la formation en essais distincts, ou Discreet Trial Training en anglais, connu par l'acronyme DTT. Au moment où il a publié son article en 1987, c'était révolutionnaire. En effet, c'était une très grande nouvelle pour la communauté psychiatrique et pédagogique. Il a essentiellement démontré que les enfants autistes pouvaient apprendre. Il a pu démontrer que les enfants ayant reçu la thérapie intensive ont fait des changements significatifs dans les scores de cognition, mesurés par le quotient intellectuel ou le QI. Les enfants ont également pu rejoindre un cursus scolaire normal suite à cette intervention. L'étude de Lovaas a créé un changement de paradigme dans la façon dont nous considérons les personnes avec autisme. Ça a incité de nombreux chercheurs à vouloir étudier davantage cette question de comment ils pouvaient enseigner aux enfants autistes. La recherche de Lovaas, ainsi que d'autres articles sur l'intervention comportementale, ont eu un effet majeur sur le traitement de l'autisme. Les parents, maintenant conscients de ces études, commençaient à défendre les droits de leurs enfants, et à demander une intervention comportementale intensive. Cela a entraîné des changements dans la politique éducative. La formation par essais distincts est devenue très utilisée, surtout aux États-Unis. Les approches comportementales ont réussi à montrer que les enfants autistes pouvaient apprendre. Par contre, les recherches du milieu à la fin des années 80 ont commencé à montrer que cette approche n'était pas parfaite. En effet, les chercheurs ont remarqué que les enfants recevant un traitement comportemental intensif avaient tendance à peu généraliser les nouvelles compétences dans d'autres environnements, de sorte que ce qu'ils apprenaient à table avec un thérapeute n'était pas utilisé ou démontré quand ils n'étaient plus en séance thérapeutique. Ils n'utilisaient pas ces compétences dans leur quotidien. Ils ont également remarqué que certains enfants développaient des comportements d'évitement et qu'ils adoptaient parfois des comportements difficiles en réponse à la demande de travailler à table, toujours en individuel, de manière répétitive, pour plusieurs heures par jour. On peut imaginer donc que cela n'était pas facile, ni pour l'enfant, ni pour les thérapeutes, et ni pour les parents. Les chercheurs ont également remarqué que, suite au traitement, les enfants pouvaient avoir un langage ou des comportements un peu robotisés et qu'ils manquaient de spontanéité. Ils semblaient trop dépendants de ce qu'on leur demandait de faire. Ils avaient besoin de quelqu'un d'autre pour déclencher leur langage ou la participation dans une interaction. Dans ces premières thérapies ABA, l'accent étais mis sur la réponse de l'enfant aux demandes de l'adulte, sur son bon comportement et sur le développement de ses capacités cognitives. Les chercheurs ont commencé à se demander si cela était suffisant pour ces enfants, alors que le déficit principal de l'autisme était en réalité social, un manque d'interactions avec les autres. Malgré certaines limites de ces premières interventions comportementales intensives, il faut se rappeler que c'est grâce à elles que nous avons compris l'importance d'offrir une intervention précoce intensive. Ces premiers résultats, positifs et négatifs, ont encouragé les chercheurs à examiner comment ils pouvaient appliquer les principes de la science du comportement, mais d'une manière qui conduirait à des interactions plus naturelles et à une utilisation plus généralisée des compétences. La science du comportement ne serait qu'une partie du puzzle. Au moment même où le domaine de l'ABA prenait de l'ampleur, les chercheurs dans le domaine du développement de l'enfant ont fait de nombreuses découvertes importantes, qui allaient devenir très utiles dans notre compréhension de comment aider les enfants avec autisme. De nouvelles études sur la manière dont les bébés et les enfants se développent ont conduit à une compréhension plus complexe de la manière dont les enfants apprennent à parler, imiter, interagir, et à développer leurs compétences cognitives. Les chercheurs ont alors commencé à appliquer cette compréhension du développement typique au domaine de l'autisme. Pour la première fois, les chercheurs et les cliniciens commençaient à comprendre l'autisme non pas comme un trouble de l'apprentissage ou du comportement, mais comme un trouble du développement, et notamment à la base un trouble du développement de la communication sociale. Ces découvertes ont fait la place à des nouvelles stratégies de traitement en autisme. Les chercheurs ont commencé à considérer l'importance de l'imitation et de l'engagement social, l'importance pour l'enfant d'être un apprenant actif plutôt qu'un simple répondant. Ces éléments sont devenus importants pour comprendre comment on pourrait développer des compétences de base, qui auraient une incidence sur l'ensemble du développement à long terme. En effet, on commençait à réaliser que quand ces compétences de base n'étaient pas maîtrisées, il y avait un effet de cascade sur de nombreux domaines du développement. Les chercheurs ont donc commencé à se concentrer sur l'enseignement de ces compétences de base dans un environnement plus naturel. Reconnaissant que l'engagement social jouait un rôle majeur, les thérapeutes ont commencé à intégrer davantage d'interactions sociales dans leurs séances d'ABA, et privilégier le travail en milieu naturel, pour améliorer la généralisation des compétences. Ces approches considérées Naturalistic Behavioral Approaches, ou les approches comportementalistes naturelles, s'appuyaient sur les concepts de la science du comportement telles que le renforcement et la prise de données, mais dans un cadre beaucoup plus naturel. Ils en sont également venus à reconnaître que les enfants autistes réagissaient bien au renforcement social, et que les récompenses externes sans rapport avec l'activité, qui étaient souvent utilisés dans les essais distincts, ne faisaient plus de sens. Cela a préparé le terrain pour le début de ce qui deviendrait plus tard connu comme les approches NDBI, ou Naturalistic Developmental Behavioral Interventions, des approches qui permettraient de réunir la science du développement de l'enfant et la science du comportement. Enfin et surtout, il est important de mentionner que pendant que l'ABA évoluait sur la Côte Ouest des États-Unis, le concept d'apprentissage dans un environnement naturel, et l'utilisation des renforçateurs intrinsèques à l'activité, étaient également en pratique sur la Côte Est dans le programme TEACCH. L'approche TEACCH a été développée à l'université de Caroline du Nord à partir d'un projet de recherches sur l'enfant commencé en 1964 par Eric Schopler. Les résultats de cette étude pilote ont montré que les enfants concernés avaient bien progressé, et par conséquent, des fonds publics ont soutenu la création de la division TEACCH, fondée en 1971. Les chercheurs à TEACCH voulaient mieux comprendre les effets de l'autisme sur les individus, et développer des évaluations pour aider à mieux définir des programmes d'accompagnement basés sur les intérêts et les besoins des personnes autistes. Ils mettaient également beaucoup d'accent sur la manière d'aider la personne à devenir aussi indépendante que possible, et de soutenir les parents et les familles. TEACCH nous a démontré l'importance de rendre l'environnement plus calme et plus accessible à la personne autiste en éliminant les distractions et en aidant la personne à comprendre comment se déroulait une activité ou sa journée. Bien que TEACCH n'ait pas été conçu pour les très jeunes enfants au début, il se considérait comme un modèle développemental, étudiant et respectant le cours du développement et les besoins de la personne avec autisme. Ces dernières années, TEACCH a introduit des programmes spécifiques pour les plus jeunes enfants et leurs familles, dont nous parlerons plus tard dans ce module. L'histoire de l'intervention précoce en autisme est beaucoup plus complexe que ce que nous avons pu couvrir dans ce résumé. Ce qu'il est important de retenir, c'est que l'intervention en autisme est relativement nouvelle, et qu'elle est constamment en évolution. L'histoire nous a appris qu'il est possible de se tromper ou de ne pas bien comprendre comment accompagner au mieux les personnes autistes et leurs familles. Je pense que c'est une période très intéressante pour la recherche sur l'autisme, avec tant de chercheurs, de cliniciens, de parents et de personnes avec autisme, qui apportent leurs connaissances sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. Pour travailler dans ce domaine, nous devons constamment nous tenir au courant des dernières découvertes, être ouverts à l'apprentissage de nouvelles stratégies, et accepter de nouvelles façons de comprendre l'autisme. Dans ce module, nous examinerons comment les programmes d'intervention précoce en autisme intègrent les concepts de l'ABA, du développement de l'enfant, de TEACCH et d'autres approches connues. Nous examinerons quels outils s'appliquent davantage à quels besoins de l'enfant, et quels principes sont partagés entre les différentes approches. Rejoignez-moi maintenant pour nos prochaines leçons, où nous vous présenterons plusieurs approches spécifiques à l'autisme, et comment elles peuvent être intégrées dans un programme d'intervention précoce. [MUSIQUE] [MUSIQUE]