[MUSIQUE] Bonjour. Mon nom est Dimitri Gisin, psychologue psychothérapeute et aujourd'hui, je vais vous parler d'un sujet qui me tient à cœur depuis de nombreuses années, les spécificités du soutien psychologique pour les personnes avec autisme. On parle bien ici d'un soutien psychologique et non pas d'une thérapie visant à guérir l'autisme. Non seulement c'est impossible car il s'agit d'un trouble ou d'une condition neurodéveloppementale, mais en plus les personnes avec autisme n'ont pas envie de changer. Ce qu'elles ont parfois besoin dans certaines situations à certains moments de leur vie, c'est un soutien à cause d'un manque d'ajustement au monde social ou bien un manque d'ajustement du monde social envers leur condition autistique. Plus spécifiquement aujourd'hui, on va parler des personnes en mesure de communiquer sur leurs pensées et leurs émotions. Les personnes avec autisme qui ne sont pas en mesure de le faire, qui sont par exemple non verbales ou qui ont une déficience intellectuelle associée bien sûr peuvent aussi présenter des besoins psychologiques, mais à ce moment-là , on va plutôt adapter les méthodes éducatives et aménager l'environnement. Une première adaptation serait de bien comprendre son diagnostic. Ce matin, j'ai reçu un jeune qui m'a dit, je suis bête, je suis fou et d'ailleurs c'est ce que mes camarades me disent. Transformer ce je suis fou, je suis bête en je comprends qui je suis, je comprends aussi pourquoi les autres ont du mal à s'ajuster à moi, je comprends pourquoi moi j'ai du mal à m'ajuster aux autres est un pas essentiel. Deuxièmement, ça permet de réajuster les attentes de la famille, de l'école, des camarades, bref de l'environnement en prenant en compte les spécificités de l'autisme. Troisièmement, il est vraiment important de faire un retour diagnostique individualisé. La seule règle en autisme c'est qu'il n'y a pas de règle. Donc, proposons un bilan diagnostique accompagné peut-être d'un bilan cognitif, attentionnel, sensoriel, afin que la personne se sente et se comprenne dans son ensemble. Finalement, comprendre son diagnostic c'est aussi comprendre que les personnes sans autisme qu'on appelle souvent les neurotypiques ne fonctionnent pas de la même manière. J'ai eu une patiente de 16 ans qui était très surprise lorsqu'on lui a appris que la plupart des personnes n'ont pas d'hypersensibilité auditive ou de fatigue sensorielle. Et donc, elle était soulagée de pouvoir comprendre pourquoi elle, elle avait une fatigue sensorielle énorme en fin de journée et pourquoi pas d'autres. Finalement, lorsqu'on obtient un diagnostic autistique, on entre dans une grande famille, c'est-à -dire que dans la plupart des pays, la plupart des régions, il y a des associations de soutien pour les familles, les parents, même pour les professionnels qui travaillent avec les personnes avec autisme, et pour les personnes concernées, il y a des groupes de compétence sociale, des groupes de parole, des cafés pour les échanges, et ça c'est aussi très important. Un autre aménagement spécifique à l'autisme, très important bien sûr, va être lié aux particularités de compétence sociale et de communication sociale. Une des premières à parler de ça, c'est Temple Grandin quand elle parlait des penseurs visuels. Beaucoup de personnes avec autisme ont un traitement privilégié sur le visuel et donc nous, dans nos séances de soutien, il est important d'utiliser un maximum de visuels, par exemple pour conceptualiser. Je vais dessiner deux personnages et faire un bulle de pensée pour conceptualiser la théorie de l'esprit. On peut aussi utiliser les scénarios sociaux, qui permettent de comprendre quels sont les comportements sociaux attendus. Tous ces supports visuels ne sont pas toujours nécessaires quand ils sont pris séparément. Pourtant, rappelons aussi que ça soulage une énergie attentionnelle très importante qui est déployée chez beaucoup de personnes avec autisme pour la conversation, qui est le modèle de base en psychothérapie ou en soutien psychologique. Parlons aussi d'expliciter l'implicite. La plupart des personnes avec autisme ont ce qu'on appelle un trouble pragmatique du langage, c'est-à -dire une difficulté à comprendre l'intention, le sens qui se cache derrière le langage. En séance, on va donc proposer d'éviter au maximum les messages cachés, les messages implicites. On va proposer de réduire peut-être l'utilisation de métaphores dans certaines situations ou d'ironies. Ce qui est vraiment important c'est aussi de se méfier un petit peu de ce qu'on appelle le oui adaptatif. Par exemple, est-ce que vous avez bien compris tout ce que je vous ai dit jusqu'à présent? Eh bien, si une personne autiste me répond oui, peut-être qu'elle me répondra oui dans un sens, oui, je n'ai pas trop envie que tu me poses plus de questions là -dessus, ou oui parce que je ne vais pas te répondre non, dans un sens parce que je retiens certaines informations mais pas tout. Et donc, on va plutôt privilégier des questions du genre est-ce que tu serais d'accord qu'on résume ensemble ce qu'on vient de dire, est-ce que tu serais d'accord qu'on fasse un schéma de ce qu'on vient de dire? Finalement, il faut noter que la plupart des recherches montrent que l'activation comportementale est à privilégier dans le soutien psychologique en autisme en comparaison avec de simples discussions. Une autre adaptation très importante dans ce soutien c'est de s'adapter au mode de pensée autistique qui est souvent décrit comme un mode de pensée logique et axé sur le détail, contrairement au mode de pensée neurotypique qu'on pourrait globalement décrire comme social et global. Je vous donne un exemple, j'ai 14 ans, je suis en école secondaire, je vais peut-être en tant que neurotypique faire des efforts pour rejoindre un groupe, peut-être m'arranger avec mes propres [INCONNU] ou le règlement de l'école, pour plaire, pour être dans le groupe et en ayant une vue un peu globale de la situation. En tant que personne avec autisme, ça m'est difficile parce que j'ai envie de respecter les règles, et ce n'est pas forcément logique de m'intégrer à un groupe avec des personnes qui ne sont peut-être pas mes amis ou avec lesquelles je n'ai pas d'affinités. Quand on va parler du mode de pensée autistique en séance, on va aussi axer sur les avantages, une mémoire flash souvent impressionnante, des personnes qui sont loyales, qui repèrent les erreurs, et puis les inconvénients, ce mode de fonctionnement qui ne correspond pas toujours aux attentes sociales et puis à cause de l'anxiété, il y a parfois des routines qui sont peut-être un peu rigides qui sont mises en place pour pallier à l'anxiété liée à l'imprévu. Deuxièmement, on va structurer l'entretien un maximum. Ça permet de soulager, d'avoir un plan de séance, d'avoir des règles explicites, pas forcément uniquement les règles du cabinet ou du lieu, mais aussi des règles en séance. Par exemple en séance de groupe, quand est-ce que c'est un moment libre où on peut parler et échanger, et quand est-ce que c'est un moment plus structuré où il nous faudra peut-être lever la main ou rester su le sujet de conversation? Troisièmement, on va visualiser pour flexibilité. Mettons un jeune qui se met en grande colère lorsqu'il perd à un jeu contre son frère. Il va être vraiment important pour lui de pouvoir mettre un petit peu de flexibilité là -dedans. Est-ce que tu te mets autant en colère si tu perds contre ton frère ou si tu perds contre ton meilleur ami? Est-ce que tu te mets autant en colère si tu perds à un jeu de hasard ou à un jeu lié à ta performance? OK, mettons ça sur une échelle. Et peut-être qu'à ce moment-là quand on va faire quelque chose de progressif, on pourra avoir un peu plus de flexibilité que je suis calme versus je suis en colère. On va pouvoir aussi visualiser par exemple pour remettre à plus tard. Beaucoup de personnes avec autisme ont une appréhension à ce que les choses ne soient pas résolues ou faites de A jusqu'à Z. D'avoir une petite boîte, un petit endroit où on peut noter soit sur papier soir dans sa tête qu'on va remettre à plus tard et reprendre plus tard la situation permet de diminuer cette anxiété. Quatrièmement, soutenir la généralisation, ça c'est pour entre guillemets pallier à ce mode de pensée très axé sur le détail qui débouche sur des difficultés de généralisation à différents contextes. Et donc, le travail de soutien c'est un travail d'équipe avec les parents, souvent l'école ou les collègues, les camarades, etc. Un cahier de thérapie peut être utile en ce sens pour que tout le monde puisse bien savoir ce qui est travaillé, quelles techniques sont utilisées. Finalement, et là c'est quelque chose aussi de très important, il faut s'adapter au traitement sensoriel particulier de chaque personne. Privilégier un contexte régulier, s'asseoir toujours à la même place par exemple permet de diminuer la charge mentale, la charge d'informations à traiter lorsque la personne vient en séance. Deuxièmement, ce serait vraiment essentiel de discuter de ces aménagements sensoriels. Est-ce que vous préférez qu'on se serre la main en se regardant ou est-ce qu'on adopte quelque chose d'autre? Est-ce qu'on pourrait se mettre d'accord sur un code lorsqu'il y a besoin d'une pause sociale. Puisqu'on fait du soutien psychologique, on parle de choses difficiles, et parfois quand il y a trop d'émotions, on a besoin de pauses. Bref, il y a encore peu d'études sur ces aménagements. Je vous conseille le livre de Scarpa, White et Attwood qui traite des personnes avec autisme mais plutôt des adaptations de la TCC, donc de la thérapie cognitive comportementale pour les enfants et adolescents avec autisme ou le livre de Murad qui lui est en français, pour les personnes avec une déficience intellectuelle associée. [MUSIQUE] [MUSIQUE]