[MUSIQUE] [MUSIQUE] La création d'un réseau et une collaboration étroite entre tous les acteurs qui vont intervenir auprès d'un élève avec un trouble du spectre de l'autisme sont très importantes. Je me trouve aujourd'hui en compagnie de Lucia Cediel, pédopsychiatre et cheffe de clinique du Centre de consultation spécialisé en autisme qui se trouve à Genève en Suisse. Bonjour Lucia. >> Bonjour Jana. >> Nous nous trouvons dans une situation sanitaire très particulière et vous participez aujourd'hui à ce MOOC malgré tout cela. Merci beaucoup. Nous sommes ici aujourd'hui pour aborder le sujet de la collaboration de tous les professionnels autour d'un élève avec un trouble du spectre de l'autisme qui entre en milieu scolaire. Mais tout d'abord, Lucia, pouvez-vous nous dire quelle est votre expérience dans ce domaine? >> D'abord, merci à nouveau, Jana, de m'avoir invitée à participer à ce module de MOOC. Effectivement, je suis médecin cheffe de clinique au Centre de consultation spécialisé en autisme, où notre travail consiste en l'accompagnement des parents, le dépistage de leurs enfants, ainsi que d'assurer un suivi des enfants et des adolescents. Je suis aussi médecin rattachée au Centre d'intervention précoce en autisme. Et j'ai aussi de l'expérience avec deux centres médico-pédagogiques de la scolarisation spécialisée à Genève, un pour les enfants de petit âge, de quatre à huit ans, et après un pour les enfants plus âgés qui présentent soit un trouble du spectre de l'autisme, soit une déficience intellectuelle. >> L'entrée en milieu scolaire est une étape très importante pour les élèves avec un trouble du spectre de l'autisme, mais également pour leurs familles et leur environnement. Si les programmes d'intervention précoce ont montré vraiment leur efficacité sur le pronostic, l'accompagnement et le soutien des familles et de la fratrie est un sujet encore très vaste. J'aimerais que nous nous concentrions aujourd'hui sur l'accompagnement de l'élève qui entre dans le système scolaire. Quelles sont, selon toi, les démarches afin de permettre la création d'un réseau autour de l'élève qui soit efficace? >> Merci pour cette question, Jana. Comme tu dis, grâce aux progrès dans le dépistage précoce et aussi dans l'intervention précoce, nous pouvons maintenant agir plus tôt dans l'accompagnement de ces enfants et de ces familles. Cela veut aussi dire qu'au moment où l'enfant reçoit le diagnostic, il y a déjà un réseau thérapeutique qui se met en place. Et ce réseau, ils ont des connaissances par rapport à l'enfant, par rapport à son profil particulier, avec les forces dans le profil aussi, les faiblesses, et ils ont mis des objectifs précis en place pour y travailler. Cela veut aussi dire que l'équipe connaît déjà les parents, connaît leurs inquiétudes et leurs demandes. Donc, il y a déjà toute une équipe établie autour de l'enfant et des parents, qui implique aussi un défi au moment où l'enfant doit rentrer dans l'école obligatoire. L'entrée dans l'école obligatoire a plusieurs implications. D'abord, il y a une nouvelle équipe sur le plan pédagogique mais aussi thérapeutique, qui va travailler avec l'enfant. Il y a aussi ce relais en termes de coordination. Les membres de cette équipe vont devoir créer de nouveaux objectifs et commencer à travailler avec l'enfant mais aussi avec les parents. Lors de cette étape, il se peut que quelques thérapies qui avaient déjà été mises en place, par exemple si l'enfant a fréquenté le CIPA, cessent. C'est un moment aussi de clôture de cette thérapie pour la prise en charge dans le nouvel établissement. C'est une transition qui est très importante pour l'enfant mais aussi pour les parents. Il est primordial que le réseau puisse être créé pour avoir un relai des informations. Je ne parle pas seulement des connaissances pédagogiques et thérapeutiques, mais plus précisément des connaissances de l'enfant lui-même. C'est vraiment important que les objectifs puissent être transmis pour continuer à les travailler. L'école n'est pas une brèche thérapeutique pédagogique. Au contraire, c'est vraiment la continuité de ce travail d'accompagnement de l'enfant qui va permettre les progrès de l'enfant. Afin d'orienter l'enfant vers la structure la plus appropriée, ici à Genève, on reconnaît que les personnes les plus aptes pour faire cette recommandation, c'est le réseau thérapeutique qui a travaillé avec l'enfant, les parents inclus, parce que ce sont eux qui connaissent le mieux leur enfant. Même si nous parlons des troubles du spectre autistique, il est important de rappeler que ce terme est très large et inclut des enfants adolescents avec leurs propres profils. Et donc, il est très important de bien connaître les forces et les faiblesses de chaque enfant. En raison de cette diversité du spectre, il existe plusieurs structures à Genève. Il y a des enfants qui peuvent progresser dans une structure plutôt ordinaire et parfois aussi d'autres enfants qui peuvent continuer à évoluer dans une structure ordinaire, mais auront besoin d'un appui et donc de types d'aménagements scolaires. Pour ceux qui ont besoin d'un soutien plus spécialisé avec un regard plus individualisé, il existe aussi plusieurs structures dans les écoles spécialisées ici à Genève. >> Une fois le réseau rétabli et mis en place, quels seront, selon toi, les points importants? >> Merci pour cette question, Jana. Avant, j'aimerais vite préciser en quoi consiste ce réseau dont on vient de parler. Si c'est un enfant, par exemple ici à Genève, c'est fort probable, qu'il ait reçu des thérapies du type du Centre d'intervention précoce en autisme, soit des autres thérapies en ambulatoire. Cela peut être une logopédie, de la psychomotricité, de l'ergothérapie ou des thérapies plus précises comme l'ABA. En effet, dans ce dernier cas de thérapie, c'est fréquemment les parents qui sont les chefs d'orchestre, qui organisent ces thérapies, qui essaient de les mettre en place, avec le soutien du psychologue ou du psychiatre qui a fait le diagnostic. Effectivement, je n'ai pas eu le temps de préciser le rôle du médecin psychologue qui a fait le diagnostic de l'enfant. Ce qu'il est important de dire c'est que le médecin ou le psychologue est le pilier toujours central qui accompagnera la famille dans l'évolution de l'enfant. Hors de l'école, c'est le médecin ou le psychologue dans l'idéal qui accompagnera, qui aidera à coordonner les thérapies. Par contre, au moment où l'enfant rentre à l'école, il est important aussi qu'un réseau, une centralisation se fasse à l'intérieur de la structure. Lors de l'entrée dans une structure de l'enseignement spécialisé, il est important que quelqu'un puisse prendre le rôle de coordinateur. Cela peut être soit le responsable pédagogique, ou par exemple le responsable thérapeutique, qui sont bien placés pour faire ce rôle parce qu'ils peuvent bien intégrer ce qui se passe au quotidien dans le centre avec aussi les thérapies et l'évolution qui se passent à l'extérieur. >> Concentrons-nous un peu plus sur la personne de référence que tu viens de citer. Peux-tu nous donner quelques exemples très concrets de l'accompagnement que la personne de référence peut faire pour l'élève avec le trouble du spectre de l'autisme mais également pour sa famille? >> J'imagine maintenant que tu parles du référent hors de l'école. Je vais essayer de détailler. Après une évaluation qui a abouti à un diagnostic, il y a au minimum trois personnes dont nous avons besoin de nous occuper. Il y a l'enfant et les deux parents, la maman et le papa. Déjà , il y a tout un travail d'accompagnement, parce que les parents sont passés de la phase d'interrogations, des questions, à une phase définie : leur enfant a un trouble du spectre de l'autisme. Il y a des questions, pas seulement par rapport au trouble TSA, mais aussi plus précisément par rapport à leur enfant. Cela veut dire quoi pour leur enfant? Quelles sont les implications dans la vie quotidienne? Quelles sont les implications pour l'avenir? Il y a tout ce travail d'accompagnement et d'explications à faire avec les parents. L'accompagnement est essentiel aussi pour essayer d'aider les parents à mettre en place un suivi thérapeutique qui va aider leur enfant. Il y a donc tout un soutien psychologique mais aussi thérapeutique à faire pour les parents et l'enfant, et aussi des recommandations qui vont évoluer avec le temps. Les thérapies dont peut-être l'enfant a besoin au moment du diagnostic ne vont pas être pareilles au fur et à mesure que l'enfant grandit. Et donc, il faut vraiment pouvoir les accompagner au fur et à mesure de l'évolution de leur enfant. Il y a aussi l'accompagnement autour de la scolarité dont nous avons déjà un peu parlé. Il y a tout le travail de centralisation, s'il y a par exemple un projet d'inclusion, ou si des échanges ou des réunions de réseau avec les enseignantes. Ça, c'est important de ne pas oublier dans l'accompagnement. Et évidemment aussi, il y a aussi tout l'accompagnement sur le plan social et administratif. >> Revenons un peu aux familles. J'imagine que les besoins de chaque famille avec un enfant TSA sont différents. Quelles seront, selon toi, les principales difficultés qu'une famille avec un enfant TSA peut rencontrer? >> Le diagnostic d'un TSA est difficile. Les rêves que les parents ont faits par rapport à un enfant ont changé. Il y a forcément une période de deuil, parce que l'enfant rêvé n'est pas toujours l'enfant que nous avons devant nous et que les parents doivent maintenant accompagner et aider. Au moment du diagnostic de TSA, la vie de ces familles a changé et le marathon commence. Si je pense aux difficultés principales que les parents peuvent rencontrer, il y en a quatre qui viennent immédiatement en tête : c'est sur le plan conjugal, familial, social et financier. La littérature montre que dans la famille où l'enfant a reçu un diagnostic de TSA, le couple a 25 % de chances de se séparer. C'est même parfois écrit que plus. La littérature montre aussi que chez les couples qui restent ensemble et qui travaillent aussi ensemble pour soutenir l'enfant, l'enfant va avoir un meilleur pronostic. Plus largement, sur le plan de la famille, s'il y a une fratrie, il y a aussi la question de comment trouver l'équilibre entre l'enfant avec un TSA et les autres frères et sœurs. L'enfant avec un TSA requiert beaucoup plus parfois de travail, de temps et d'attention. Parfois, ça peut amener de la jalousie. Parfois, ça peut amener à un sens de culpabilité de ne pas donner le même temps à tous les enfants. Ce n'est pas facile pour ces familles. Pour soutenir leur enfant, les parents doivent aussi mettre en place des thérapies. C'est beaucoup à gérer, pas seulement au niveau du temps mais aussi de l'organisation. Parfois, un parent peut décider d'être plus arrêté pour être présent pour leur enfant, pour l'amener d'un lieu à un autre. Et ça m'amène aussi sur le plan financier. Ce n'est pas facile. Pour toutes ces raisons, mais aussi pour d'autres que je n'ai pas eu l'occasion de mentionner, le rôle du référent est essentiel pour ces parents. L'accompagnement que le référent peut donner à ces familles n'est pas du tout négligeable. >> Merci beaucoup, Lucia, pour cette interview. Nous venons de voir ensemble que la création d'un réseau, la collaboration étroite entre tous les intervenants autour d'un élève avec un trouble du spectre de l'autisme ainsi que la définition d'une personne de référence sont très importantes. Une fois le réseau mis en place, il est essentiellement important également d'informer, former et sensibiliser l'environnement de l'élève avec un trouble du spectre de l'autisme qui entre en milieu scolaire, ce que vous allez voir dans la séquence suivante. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]